9:30pm (ft. lyam)

Bon, ça faisait un moment que Neptune le voyait attendre là-bas. En fait, la situation était très étrange : depuis quelques heures, Lyam était assis devant le bâtiment ébène et il attendait que quelque chose se passe, visiblement. Elle n'était pas la seule à l'avoir remarqué ; elle avait entendu quelques groupes d'élèves dans les couloirs qui en parlaient. Enfin, qui se moquaient, bien entendu, ou alors ils étaient juste intrigués. Mais une fois n'était pas coutume, Lyam faisait parler de lui.

Neptune soupira doucement, reposant soigneusement son stylo dans sa trousse et tournant la tête pour observer le jeune homme. Depuis sa chambre au rez-de-chaussée, elle avait une vue parfaite sur le bâtiment ébène. Bâtiment qui attirait autant les curieux que les personnes peu saines d'esprit, étant donné que Lyam n'était pas le premier à venir errer sans but près du grand manoir sombre depuis qu'ils étaient tous arrivés. Rien que d'y penser, elle sentit son estomac se nouer et soupira, mal à l'aise.

Elle entendait dans le couloir un petit groupe de filles rire à propos de Lyam. Pour une fois qu'elles n'étaient pas en train de se pâmer à son sujet, ça ne leur faisait pas de mal de rire un peu de lui et de se rendre compte qu'il n'était pas une sorte d'idole sans défaut, tiens. Mais d'un côté, Lyam était son camarade de classe et le leader de son club. Elle le considérait un peu comme son ami ? En tous cas, il n'était pas juste une connaissance. Elle contempla le ciel qui commençait sérieusement à se couvrir, les derniers rayons chauds du soleil qui se couchaient doucement. Il allait faire nuit, et donc encore plus froid. Et puis le couvre feu n'allait pas tarder à sonner. Le soleil se couchait si tard ces derniers temps, mais ce n'était pas pour lui déplaire.

Bon...

Elle s'était faite à l'idée d'aller le chercher, finalement. Elle se leva et enfila un manteau, avant de sortir de sa chambre et puis de son pavillon. Il faisait froid dehors malgré le mois d'août, et peut-être bien que pendant un instant elle imagina Lyam congelé sur place, mort.
Euh.
C'était quoi cette vision d'horreur ? Elle n'était pas du genre à penser à ces choses-là d'ordinaire. Elle grimaça et secoua un peu la tête, ses doutes s'envolant en voyant le jeune homme remuer un peu. De toutes façons il ne faisait pas froid au point de congeler quelqu'un. Elle frissonnait juste un peu. Elle soupira et vint se planter près de lui, l'observant.

Lyam ? Qu'est-ce que tu fais ? Tu veux pas rentrer ?

Il l'appelle "princesse" et elle cille à peine, faut croire qu'elle est habituée. Elle ne soupire même pas, elle ne lève même pas les yeux sur le ciel qui s'assombrit progressivement et au final, elle s'assoit aux côtés du jeune homme. Elle ramène ses jambes contre sa poitrine et pose son menton contre ses bras croisés.

Je sais pas.

Oui, il a raison. C'est un peu glauque, cette histoire. En fait, le bâtiment en lui-même est glauque. Son ombre plane sur la cour intérieure du domaine, la faisant un peu frissonner. Mais, d'un autre côté...

Ils nous ont dit de ne pas fouiner.

C'est bien la seule question qu'ils ne peuvent pas élucider, c'est bien le seul endroit où ils n'ont pas le droit de mettre les pieds. Elle tourne la tête vers lui, l'observe un instant. Elle ne sait pas trop quoi penser de Lyam. Il est... gentil, elle suppose. Elle suppose parce qu'il est toujours plein de bonnes intentions envers elle, mais qu'en même temps elle n'a rien demandé. Pas qu'elle pense qu'il faut avoir une bonne raison pour être gentil envers les autres, mais voilà quoi. Il y a un silence très long. Voire même très gênant. Et elle plisse les yeux.

Tu vas aller fouiner ?

Il lui fait un peu peur, Lyam, soudain. Elle se dit que si il faut le retenir d'aller se tuer sur le plancher fragile du bâtiment ébène, elle serait là.

Elle fronce les sourcils, ça se voit qu'elle n'approuve pas ses idées. Ce n'est pas la première fois, mais de toutes façons Lyam n'écoute jamais Neptune, en fait il n'écoute jamais personne. Elle soupire doucement, observant d'un œil sombre l'immense bâtisse qui se dresse devant eux. Oui, effectivement. Plus elle regarde le bâtiment, moins il lui inspire confiance. Elle ne sait pas ce qu'il pourrait se passer à l'intérieur. Elle n'a pas envie d'aller se casser une jambe là-dedans, merci bien.

Si, un peu. Je n'ai jamais fais d'urbex mais je suppose que l'expérience serait la même.

C'est sa façon à elle de lui dire que tout ça serait un peu futile. Vu qu'elle ne peut pas lui interdire d'y aller, autant essayer de le dissuader du mieux qu'elle pouvait. Au moins, il avait l'air d'avoir encore un neurone en bonne santé, c'était bien. Elle tourna la tête vers lui, l'observant sans un mot. Le sol est froid, elle frissonne un peu.

Un adulte va probablement venir te chercher, tu sais. Tu veux pas aller autre part avant ça ?

Déjà qu'elle n'aime pas se faire rappeler à l'ordre, alors si en plus c'est devant les yeux curieux de tout le monde... Elle soupire.

Enfin, je ne te force à rien. Moi je vais rentrer dans ma chambre, je crois.

Elle sent qu'il est en train de penser très fort à leur relation très étrange, et qu'il se demande plus ou moins ce qu'il ressent pour elle - à peu de choses prêt. Elle serait tentée de dire que les garçons se montent vraiment trop la tête, mais est-elle vraiment innocente sur ce point-là ? Bien sûr, elle ne l'appelle pas par un surnom absolument ridicule comme lui qui s'acharne à l'appeler princesse. Mais... bon. Oui, elle plaide coupable, se rapprocher de Lyam ne l'aurait pas dérangé plus que ça. Qui aurait pu la blâmer, sinon elle-même.

Il n'y a rien de sérieux entre eux, mais elle est paralysée par la peur. Imaginer quoi que ce soit avec Lyam l'a fait angoisser comme on ne se douterait pas, et elle a honte de beaucoup de choses, soudain. Elle a honte d'y penser dans un premier temps, alors qu'elle est persuadée que ce ne sont que des rêves de petite fille, elle a honte d'avoir peur - elle a honte de se monter la tête alors qu'elle sait à peu près ce que Lyam pense. Oh, il ne doit pas l'estimer beaucoup. Elle ne sait pas. Elle espère et n'espère rien, car par pitié, elle a déjà assez de problèmes comme ça.

Mais se prendre à rêver ne devrait faire de mal à personne, elle suppose.
La tirade presque théâtrale de Lyam a le mérite de la faire éclater de rire - éclater avec minutie, sans trop de bruit, sans partir dans tous les sens. C'est un rire délicat qu'elle lui offre, mais il la fait rire, c'est déjà ça.

Mais n'importe quoi !

Elle a les joues roses et les jambes un peu cotonneuses. C'est triste parce que c'est à mille lieux de ce qu'elle voudrait ressentir pour un camarade.

N'importe quoi. De toutes façons je doute qu'on te laisse rentrer dans le pavillon, en fait.

Il y a un silence, et puis elle imagine des scénarios. Qu'est-ce qui arrivera si Lyam entre dans le pavillon, ou dans sa chambre, au juste ? Pas grand-chose, si ? Oh, au pire ils auront un blâme - mais à cause du club journalisme, malheureusement, ce n'est pas le premier qu'ils reçoivent. Même si c'est une immense source de stress pour elle. Mais bon. Elle lui offre un sourire presque malicieux, amusé.

Au moins j'aurais le mérite de t'avoir fait explorer un lieu inconnu, si tu entres là-bas.

Mais qu'est-ce qu'elle est en train de faire, sérieux ? Sinon jouer avec le feu.

Elle reste silencieuse, observant son camarade les mains liées, les doigts jouant entre eux, elle ne sait pas pourquoi elle est nerveuse soudain mais le soleil qui se couche doucement et les ombres qui se dessinent sur leurs peaux ne lui disent rien qui vaille. Elle a un mauvais pressentiment Neptune, elle se mordille la lèvre doucement en laissant s'échapper un soupir.

Oui, tu as raison.

Elle se faisait déjà détester pour des raisons qui lui échappaient par certaines de ses camarades. Alors elle ne voulait certainement pas envenimer la situation ! Elle esquissa un sourire pour Lyam et recula d'un pas. Les mains dans les poches de son jean, elle se dirige lentement vers le pavillon soleil - oh lentement, si lentement, elle n'a pas envie que leur petite discussion se termine n'est-ce pas ? Elle essaie de se voiler la face mais c'est difficile.

C'est quand même gentil de me raccompagner. Tu dois en avoir marre de moi, on se voit tous les jours !

Elle ponctue sa phrase d'un petit rire alors que les portes du pavillon soleil se présentent devant elle. Ouvre la porte, observe le jeune homme à quelques pas d'elle. Un sourire malicieux se dessine sur ses lèvres maquillées, un éclat joueur brille dans ses yeux. Elle a le coeur qui tape un peu plus que d'habitude - c'est rare qu'elle se sente vivante, Neptune.

Allez, à demain.