les yeux stériles // (blas)

pablo était toujours mal à l’aise dans les silences d’église, par habitude il s’y tenait bien droit, les paumes moites de ses péchés qu’elle ne sait plus camoufler quand le monde entier se tait et qu’il se retrouve noyé d’une paix factice, qui n’avait rien de bienheureuse. elle rasait les mur de la bibliothèque pour ne pas se laisser saisir par la piété muette qui léchait les étagères et le prenait au tripes : il vivait dans trop d’éclat pour se complaire à l’ombre bleuie des autels, elle était lassée des lyrismes et leur préférait les injures.
il ne craignait pas les fantômes emprisonnés par les fenêtres troubles car elle les savait tous faits de chair, à la peau tendre offerte à son venin et sensible aux maux pourpres qu’elle voulait bien infliger. il ne fendra le silence que pour jouer les lucifers, l’écho de ses pas transperçant le calme sage où elle ne trouvait pas sa place car il avait trouvé un beau martyr. elle n’offrait pas de répit aux fidèles, à ceux dont la douceur olympienne suintait par tous les pores -- ça le dégoutait un peu.
pablo s’assoit en faisant racler sa chaise sur le sol, pour briser la sainteté de cathédrale. elle dévoile ses incisives dans un sourire déjà sali, sans pureté.

salut blas, t’es tout seul ? j’peux m’assoir avec toi ?

c’est qu’elle avait l’audace des petits monarques à qui on avait cédé toutes les couronnes, il pose son manuel sur la table avec grand bruit et s’adosse dans son trône médiocre. ses paroles sont bien creuses, là seulement pour dissoudre les nuées divines et abîmer les autres de sa souillure terrestre.

t’es tout seul ? c’est triste ça, t’as pas d’amis ? j’suis sympa, je vais rester un peu avec toi.

il ne voulait pas jouer les vilaines filles, les lippes en fleurs teintées de rose elle connaissait par cœur ces versets-là, qui dévergondent sans attendre toutes les candeurs moroses. elle trouvait blas bien gentil, dans sa chasteté de grand lys il avait cette blancheur des anges qu’il s’amusait à tourmenter.

tu fais quoi ? ça a pas l’air très intéressant…

pablo a la malice au coin des yeux.

Il relève les yeux. Encore, la même scène, le même endroit, le même décor (le visage d’un inconnu qu’il n’a pas pris la peine de retenir, la retraite prise d’assaut, les mots pour tenir face à l’ennemi qu’il ne sais pas repousser autrement que de par sa franchise coupante.) . Les lèvres articulent, se dénuent, doucement. L’imagination encore a porté d’enchantement, les doigts pour s’y tenir. Qui est devant lui ? Vague personnage déporté dans la réalité, réalité déporté dans sa vision si vague. La bouche est sèche.

« Il n’y a rien de triste à aimer la solitude. »

Combien de fois l’attitude a transmis l’idée, combien de fois l’idée fut mise au monde de par sa bouche ? Il hésite à ne plus en souffler mot. Il hésite à se taire à jamais, la voix brisée, le cœur caché. Il détaille l’autre : est-il sensé savoir son nom ? Se croisaient-ils dans les couloirs auparavant ? Ils n’ont certainement aucun ami en commun.

« N’aimes-tu pas cela ? »

Il a du mal à les comprendre, autres, tout autant qu’ils ne comprennent pas. Son esprit lui suffit, les étoiles guidées par ses croyances, la morale forgée dans un acier trempée. Coffre fort siégeant au creux de son cœur.

« Aussi, ce que je trouve intéressant ne sera jamais sans doute à ton goût si tu n’arrives pas à t’abandonner sans personne pour t’y aider. »

Encore cette sorte de fierté se mourant dans le coin de sa bouche, goût abominable qu’il fait disparaître dans sa salive. Il repart doucement, les traits disparaissent. Qui est-ce ne se pose plus : la personne n’est qu’un mirage, une illusion. Un aventurier perdu frappe à sa porte, il est encore prêt à lui narrer l’histoire qu’il voudrait entendre. Mais les phrases ne seront jamais émisses de la manière dont elles devraient l’être : alors il s’abstient de présenter l’idée. Alors, il la noie, deux mains pour bloquer la respiration, deux mains pour s’aveugler dans une blancheur parasitant. Rien ne peut y percer, rien ne peut y éclore. Le livre s’ouvre à nouveau (quand l’avait-il fermé ?).

« D’autres questions ? »

Conclusion fermant l’acte. L’autre fuirait, il avait l’habitude. Ou encore la chose se finirait en quelques joutes, tours pris sur le ring pour finir en abandon de la partie. Alors, autant tenter de faire mourir les pulsions de l’autre assez vite, trop, pour qu’il n’ai le temps de se demander quels en était les véritables intentions.

il plisse les yeux, entre ses paupières mi-closes brille encore un mépris en demi-teinte qui vient entacher ses cils. sa bouche rose s’étirait toujours en un petit rictus qui n’avait ni plus l’innocence des primes jeunesses, ni la gentille futilité des adolescents. pablo se balance sur sa chaise avec sa fausse nonchalance de chat d'appartement, tapotant la table de ses ongles au vernis bordeaux écaillé comme pour jouer des griffes sur l'acajou lustré.

pas vraiment, non.

les pieds de sa chaise claquent sur le sol et le bruit sec résonne dans le silence religieux de la bibliothèque. il était des sacralité que pablo ne savait pas vraiment respecter, les joues teintées de son irrévérence boudeuse on la trouverait bien vilaine, assise là avec une petite moue pleine d'un ennui capricieux.

t’es pas drôle tu sais. pas drôle du tout.

il était frustré des yeux las qui ne croisaient même pas son regard, qui ne s'attardaient pas un instant sur la demi-lune de ses sourires moqueurs qu'il traçait rien que pour lui.
oui, dans ses rires tout habillés de méchanceté candide il y avait une amertume qui laissait un drôle de goût sur sa langue : elle en avait déjà assez de ses prêches intouchables, de ses faux poèmes d'enfant sage. pablo ne jouait pas au beau jeu de l'indifférence :

ahahah t'es bien un vermeil, c'est ouf, pas la peine de jouer au philosophe. je dis juste ça pour toi, hein, j'me moque pas...

il dérobe à ses doigts le livre sans vraiment cesser de rire, de cet éclat qui sonne comme un couteau planté dans l'air opaque de la bibliothèque. pablo s'octroyait des couronnes, quitte à en rayer l'or de ses griffes.

comment tu sais que ça me plaira pas ? laisse moi voir !

Assez pour qu’il relève les yeux, oui : sa carcasse se mouvant, ses lèvres s’entrouvrant pour mieux se refermer violemment. Il n’y comprend pas grand chose : ce qui en ressort, si flou, n’oserait aider les allures spectrales de Blas s’y perdant.

« Je n’ai pas fait de blagues, et même si tu avais ris, ça aurait été bizarre. »

Toujours, le ton s’accorde au teint blafard. Il est fait pour êtres écris : ses phrases tournées en encre, on ne lui donnerait aucune nuance, le noir et blanc se lie au reste. Il ne sait pas deviner ce qu’il ne désire et ne saurait lui dire. Alors, il se contente de lui laisser assez de place pour qu’elle puise discerner quelques mots.

« Qu’est-ce que tu y trouves de philosophe ? »

Mais il n’en parlerait sans doute pas de lui-même : qu’elle s’en fasse son propre avis, qu’elle étale encore sa vision si différente de la sienne. Il tenterait de comprendre. Il ajoute alors, comme déjà sûr que les mots pourraient être tournés d’une manière si différente, que sa pensée puisse être tordue, encore :

« Dans ce que j’ai dit, j’entends. »

Les choses ne se mettraient en place qu’après quelques phrases échangées : il ne serait toujours pas touché. Oui, il était conscient que l‘innocence ne teintait pas leurs échanges (Que cherchait-elle ? Que tentait-il de prouver en comprenant même l’essence de cette question ?). Alors, il se redresse, Blas.

« Ou bien, tu n’écoutes pas ce qu’on te dit d’habitude ? »

Lâché dans une respiration, il n’a sans doute que du mal à voir ce qui ne pourrait pas être œuvre à réflexion dans toutes paroles. Mais encore, ce qui sort de sa bouche, se veut violent, il n’y voit pourtant aucun malheur. Il comprendra sans doute trop tard. Il entend encore l’écho de sa voix, mais ne saurait comment corriger la chose. Il se mord doucement les lèvres et revient à ses habitudes, pages entre les doigts.
Non, ce n’était pas ça, mais comment lui transcrire sa pensée ? Alors, non, il n’ajoute rien, n’ose reprendre ses propres dires (cela sonnerait si mal). Mais sans doute, l’autre prendra l’offrande, le courroux étrange qu’elle possédait se nourrissant e ce genre d’erreur : tant mieux pour elle, tant mieux pour lui. Il trouverait encore à la suite de leurs réactions de quoi comprendre ou encore tenter de le faire. Monde étrange se dressant à ses yeux, Blas n’ose y voir réalité. Comment saisir ce tangible, si singulier ?

les yeux stériles // (blas)

les yeux stériles // (blas)

Re: les yeux stériles // (blas)

Re: les yeux stériles // (blas)

Re: les yeux stériles // (blas)

Re: les yeux stériles // (blas)