back at it again at krispy kreme ft. blas mon ptit gars

bon ça y est, il est temps.

Bic rentre dans le self et inspire longuement avant de soupirer profondément car il a décidé de mettre en place son plan. Rien à voir avec son travail d'agent du gouvernement pour les renseignements généraux, arrêtez de croire qu'il a une vie trépidante d'agent double, non, cette fois, au lieu de remplir sa mission top secret défense qui consiste à surveiller un enfant hyperactif et à lui rappeler de prendre ses médicaments en essayant de le gronder sans trop dire de gros mots pour ne pas le blesser, il a autre chose en tête. il a juste envie d'essayer d'aider un jeune à être un peu moins coincé et à s'en sortir. rien de compliqué, rien qui ne lui demandera 3 kilomètres de paperasse à remplir ce soir, juste une petite discussion autour d'un yaourt nature sans sucre.

pourquoi lui, en fait ? Blas, il s'appelle, il a relu le dossier que le gouvernement a constitué sur chaque élève et qu'il garde précieusement dans un bureau fermé à clé.

oui mais pourquoi Blas ? je vous entend crier à l'autre bout de la pièce. en fait c'est... c'est pas très compliqué, Bic en est même un peu gêné mais il a remarqué ce jeune lorsqu'il surveillait Sani de loin pour s'assurer que la mission se déroule correctement et pour compléter ses rapports. Sani est bruyant, il prend de la place et toute notre attention, quand on le regarde, alors ceux autour ont un peu tendance à s'éclipser, et c'est exactement l'impression de donnait Blas. par moment il ne semblait même pas suivre le cours et il l'a vu plusieurs fois assis seul en train de lire au self.

Bic n'était pas un enfant isolé dans son enfance, il avait eu un certain nombre d'amis et il garde de bons souvenirs des 400 coups qu'ils ont pu faire en cours ou pendant les vacances scolaires. de ce côté là, il ne comprenait pas exactement blas. mais d'un autre... il a vécu quelque chose de similaire. pendant toute une période de sa vie, il a préféré s'isoler et rejeter ceux qui tentait de l'approcher car il avait l'impression qu'ils allaient tous le juger et le prendre en pitié et ça, jamais de la vie. mais après quelque années il s'est rendu compte que ce n'était pas très sain et commence maintenant à s'ouvrir un peu plus. du coup, ce gosse qui lui rappelle sa propre vie... il ne peut décemment pas le laisser dans son coin comme ça.

alors l'opération est lancée, Bic s'avance avec son plateau dans les mains, l'air assuré et un petit sourire aux lèvres pour montrer qu'il ne vient pas en tant que surveillant qui veut l'engueuler. il s'installe en face de lui sans lui demander quoi que ce soit.

* je me permet.... salut, je viens manger avec toi. heu je dis quoi après ça.... ... je te vois souvent seul ici et en classe.

Tout cela lui rappelle une autre scène – qu’avait-il donc tous ? Il perd la dernière phrase, perd la suite du récit. Il ne perd pas pied, Blas, ils sont déjà enfoncés dans une fantaisie assez romancée. L’atterrissage est difficile, le vide autour de lui finit par se remplir par les bruits ambiants. Il les déteste, Blas. Il fronce les sourcils, tente de discerner les contours de la personne se trouvant en face lui. L’a-t-il déjà vu ? Blas ne connaît que les figure de sa bibliothèque tant aimé : il a encore oublié celle de ses camardes. Ont-ils échangés quelques mots ? Il a oublié. Il n’y voit rien de passionnant, Blas.

« Oui. »

Les doigts ont laissés filés quelques pages. Encore, il n’aime faire pause sans avoir vu la fin d’un chapitre. Blas aime l’ordre, les pages numérotés, les lignes se suivant. Blas n’aime être interrompu dans son chemin de pensée. L’air lui manque et il ne sait quoi rétorquer. Il ne sait vraiment utiliser la politesse, Blas, ni encore voir la politesse dans la gentillesse dans les paroles des autres. Il a sans doute déjà croisé ce genre de personne. Il lui rappelle vaguement les traits fatigués de son père : il l’imagine encore ne pas comprendre, ne pas pouvoir cerner la rébellion docile de sa propre personne. Blas ne sait vraiment comment élucider les mystères de son cœur retrouvé sa vie (il ignore qui pourrait en être le meurtrier.). Alors, il s’arme.

« C’est un choix. »

Il y a là sans doute une main tendue. Il n’en discerne pas la forme. Sans doute, le laisserait-on repartir avec son paysage imaginaire une fois rassuré. . Non, il n’y pouvait rien, non il ne faisait pas mal son métier – qui était-il ? Blas oubliait si vite les prénoms de ceux coulant dans les secondes de sa vie. Il n’ose encore retourner à son livre entrouvert. Personne d’autre ne les rejoindrait – personne d’autre ne rejoignait Blas, l’aura assassine, l’âme absente. Personne d’autre ne les rejoignait et l’adulte laisserait sans doute passer quelques minutes avant de se rendre compte de son erreur.

« Je ne suis pas malmené par mes camarades. »

Il laisse glisser ses yeux sur la personne : le mémoriser lui servirait-il ? Étais-il un professeur des matières communes ? Blas écoutait pourtant les cours – étrangement – mais n’arrivait toujours et jamais à se laisser aimer ceux lui dictant la bonne conduite. N’y avait-il pas de place dans son cœur ou se refermait-il petit à petit ? Qui aurait pu dire. Il découpait pourtant encore ses mots avec froideur. Il découpait encore la silhouette de l’inconnu avec sévérité.
Il avait l’habitude de se faire détester.

c'est bizarre, d'être assis en face de cet ado. pas juste car la différence d'âge est flagrante et que Bic a peur de se manger une remarque sur le fait qu'il est visiblement incapable de se faire des amis et doit donc aller embêter les plus jeunes, mais car d'un côté il se retrouve dans sa façon de se comporter et en même temps... il a l'air si fragile.

ce qui l'avait poussé à s'éloigner et à rejeter tout ceux qui osaient s'approcher, c'était avant tout de la haine. une colère pure, impossible à contenir, qui fait bouillir son sang pendant des mois et des mois. pour éviter l'humiliation et la pitié il avait préféré mordre n'importe qui qui oserait s'approcher, quelque soit ses intentions. plutôt choisir de faire souffrir les autres que d'accepter sa propre souffrance et le fait que... que ça va pas.

mais ce gosse, en face de lui... il a l'air si fragile. il a l'impression qu'au moindre faux mouvement, à la claque trop rapide, non, juste avec le courant d'air généré par la claque même dans le vide, il pourrait le briser. peut être que c'est simplement car il a effectivement appris comment briser quelqu'un en quelques mouvements précis mais il n'a vraiment pas envie de se rappeler de cette partie de son entraînement alors qu'il mange tranquillement des frites devant un jeune qu'il est censé surveiller comme tous les autres du pensionnat et avec qui il essaye d'entrer en communication.

il communique, d'ailleurs. enfin, il répond quelques mots au surveillant. comme quoi c'est un choix et en gros, non, ne t'inquiètes pas monsieur bizarre, je suis pas bully par mes camarades alors laisse moi manger en paix. enfin, c'est comme ça que Bic le ressent, plus ou moins, mais il veut s'accrocher.

* oui, j'espère bien, sinon j'irais gueuler dans les chaumières mais heu, c'est pas pour ça que je viens t'en parler... merde comme j'explique ça...

il reprend quelques frites pour essayer de donner un peu d'énergie à son cerveau fatigué.

* à une époque de ma vie... disons que je me coupais aussi pas mal des gens. pas car ils me blessaient mais... bon, j'étais en colère. ah ça oui... mais c'était pas très sain comme façon de vivre.

Qui a-t-il d’écrit sur le visage d’autrui ? Blas n’a jamais su lire ce genre de récit. Etait un acte de compassion, un acte de pitié ? Que cherchait-il à sauver ? L’âme en perdition, il n’irait pas au paradis. Blas n’avait depuis longtemps prié : il en oubliait ses propres divinités. Y croyait-il seulement ?
Il s’arrête. Il y réfléchit.

« Si je devais décrire cela, j’en dirais l’inverse. »

Toujours, la vision du père frappe à sa porte. Il n’y avait rien à deviner, mais on aimait y mettre des mystères. Blas sent son cœur écorché, à chaque fois. Blas n’ose deviner ce qu’il pourrait y avoir de mal – son esprit embrumé, mais sa parole reste claire. Déteste-t-il les autres ? Il laisse entrer colère dans son cœur, cherche le péché et pardonne. Il regrette chaque action guidée par sa propre peur. Que pourrait-il bien faire de plus ? Tout cela n’est cependant attisé que par les romantiques, ceux-là qui pensent son feu déjà allumé tandis qu’il l’attise. Blas n’ose rien y jeter. Il n’en ressent plus rien.

« Je ne suis pas en colère. »

Vert posé sur le squelette de l’autre, amas de chair lui faisait face. Il n’arrive à y voir encore plus que cela. Il aimerait étudier les secrets anatomiques, Blas, pour y comprendre plus. Il a cependant encore du mal à se mettre en tête la plupart des matières – il passe son temps à réviser.
Que pourrait-il dévoiler ?

« Cela serait sans doute plus simple pour vous et moi si c’était le cas. »

Le voilà arrivé, conseil de discipline. Combien ont abandonné ? Sa mère l'avait pris sous son aile de peur de le voir s’abîmer et fut la seule à le garder. On n'ose placer doigts entre les épines, on ne voit qu’elles. Il y aurait sans doute plus à admirer. Il s’en veut toutefois d’y laisser encore son détachement, comme un refus grave, lourd et impossible à défaire.
Merci de vous inquiéter.
Cela sonnerait comme une absurdité. Cela sonnerait ironique, faux. Rien n’anime ses mots. Il n’a appris les sonorités d’une franchise qu’on pourrait aimer. Il laisse alors sa pensée ici, perdu au bord de route. Il en reste pourtant une simple curiosité envers l’adulte lui faisant face.

il a l'air doux comme un agneau, en fait, ce gosse. impossible de faire mal à une mouche avec ses mains délicates et sa petite voix qui ne ferait même pas peur à un oisillon. ... oui, vraiment tout le contraire de Bic lorsqu'il avait décidé de "s'isoler" en hurlant sur la moindre personne osant sourire à son égard ou lui offrir quelque chose par gentillesse. mais il ne peut s'empêcher de s'accrocher, bien sûr qu'ils ne sont pas les même, mais dans le fond, plus il le regarde et plus il se dit qu'il voudrait l'aider. à quoi ? il ne sait pas vraiment. est-ce qu'il aurait seulement cru quelqu'un lui disant que dans un an il se retrouverait à essayer désespérément de communiquer ses sentiments à un ado presque monosyllabique ?

et pourtant. il se tient là, en train de manger nerveusement du pain en se demandant comment s'y prendre. ah, pour faire craquer quelqu'un pendant un interrogatoire, il y en a, des instructeurs, mais comment faire quand il nous manque du tact et de la délicatesse ? tout d'un coup, il n'y a plus personne dans la boutique. obligé de se démerder tout seul, alors tant pis, autant sauter dans le vide et voir une fois au sol où est-ce qu'on a atterri.

* oui, t'as pas l'air bien énervé, je sais. je devrais pas parler de moi, ça aide pas...

ce qu'il entend ensuite surprend un peu le surveillant. plus simple ? oui, sûrement, d'une certaine manière, les gamins avec un peu trop d'énergie et de hargne à revendre, il leur en colle une gentiment, il les colle et leur fait la leçon, c'est rapide, il a pris le coup de main, ça n'est pas bien compliqué. mais est-ce que c'est vraiment une si bonne solution que ça ?

il ne peut s'empêcher de froncer les sourcils et de soupirer un peu. il n'aurait jamais cru que s'occuper d'enfants demande autant de réflexion et soit si complexe. mais ils sont tous là, avec leurs problèmes, leurs conneries, leurs passions, et c'est de plus en plus flagrant qu'il n'a aucune idée de ce qu'il fait. pourtant, il a envie de le faire. de le faire bien. c'est peut être une couverture, ce job, et alors ? il n'est pas du genre à se cacher derrière sa vraie missions pour faire n'importe quoi.

... c'est un peu le bordel dans sa tête et il en est même pas au dessert. Bic se dit qu'il s'est vraiment surestimé en allant lui parler comme ça. mais maintenant qu'il y est, il ne peut plus vraiment reculer.

* j'crois pas que ça aiderait tant que ça... bon, de toute façon, la vie c'est toujours un bordel compliqué, ça changera pas pour nos beaux yeux. mais surtout si je viens te causer c'est car je trouve ça dommage de se couper alors que parfois, les gens peuvent apporter beaucoup.

ils sont pas tous là pour nous rabaisser. parfois ils peuvent même être l'épaule à laquelle on s'accroche pour se tenir debout, et ça ne veut pas dire qu'on vaut moins, ou qu'ils ne le font que par obligation ou par pitié.
combien de temps est-ce qu'il lui a fallu, pour apprendre ça ?

Il l’écoute s’empêtrer dans ses pensées : il connaît le sentiment, bien qu’il arrive toujours à trancher de par ses mots, Blas. La situation s’apparente à du déjà vu : finirait-il par pleurer ? Il retombe doucement les yeux entre ses lignes. Il tente de traverser la route, encore une fois.

Il ne touche pas à son repas. Blas profite seulement d’une pause – une pause pour quoi ? Si on l’avait laissé en paix sans doute, se serait-il rangé loin de tout vacarme. Mais les gens comme lui ne le laissait jamais faire. Blas se demandait si faire un caprice lui aurait donné plus de liberté, voilà sans doute l’ironie de la chose le rattrapant. Après tout, Blas avait l’habitude de disparaître, de laisser mourir sa présence. Blas se demandait s’il aurait dû cracher au lieu de montrer échine, prêt à se laisser briser.

« Que pourrait-ils m’apporter ? »

Il sait très bien ce qu’ils pourraient lui donner. Il refuse toutefois de l’envisager. Il se sent différent, Blas, un brin trop sensible et encore, il s’interdit de laisser cette pensée-là paraître dans son esprit trop souvent. Il ne l’est sans doute pas, différent. Il est sans doute juste perdu, un brin égaré. Il le sait. Il aimerait se retrouver, seul. Il n’en a sans doute juste pas la force, faiblesse au bout de ses doigts : tourner la page était si difficile. Il pose toutefois la question, Blas. Il attend sans doute de savoir quels pions, l’autre pourrait avancer. Il aurait du mal à bâtir une stratégie, Blas, il se contente de tenter de défendre. Mais se défendre contre quoi ?

« Très peu ne se laisse pas intimider. »

C’est lancé, partit dans les airs, envolé parmi toutes les sonorités les enveloppant. Il n’en a pas vraiment connu, Blas, des personnes ne prenant ses mots que pour ce qu’ils sont, des personnes ne cherchant pas à appliquer leur vérité sur ce qui ne serait sienne. Ils n’ont pas peur, alors pourquoi tournent-ils le dos ? Rien d’intéressant à voir, Blas est encore là. Blas est encore si prévisible. Il ne cherche pas à changer cela.

Qui est-il ? Est-il devenu professeur pour l’entendre parler de sa psyché ? Blas ne s’attendait vraiment à devoir expliquer son cœur – il ne le connaît pas – entre entrée et dessert, non, cela n’avait jamais été au menu. Il écouterait sans doute les théories sur sa propre personne, sur le fait qu’il pourrait s’ouvrir, laisser place au monde réel dans toutes ses fantaisies. Il l’avait déjà lu, entendu. Il l’avait déjà étudié, cette solution-là. Pourtant, à chaque fois, il se refermait. Était-il teinté de noir ou c’était-il laissé convaincre que tel était le cas ? Oh, tout cela tournait au ridicule. Blas se laissait aller. Blas aurait aimé ne pas avoir à réfléchir à tout cela.

Le sujet revenait toujours le hanter, pourtant. On n’aurait aimé voir quelqu’un aimer sa solitude, cela ne se faisait pas. Blas n’aurait trouvé mieux pour la remplacer, pourtant.

bon, très clairement, ça s'engage vraiment mal pour Bic. il avait l'impression d'arriver en gérant la situation et... et il ne comprenait vraiment pas ce gosse en face de lui. Il avait passé sa vie entouré d'adultes beaucoup trop sérieux pour leur propre bien et savait comment leur parler, c'est plutôt facile, une fois qu'on a compris le truc. les enfants, les plus jeunes, peut être que c'est aussi dans ses cordes, il n'a jamais essayé et ne compte pas s'y mettre. mais ce qu'il voit comme des adolescents en pleine crise... il se demande à quel adulte présent sur le site il pourrait demander de l'aide, son coloc peut être ? non, il n'oserait jamais lui avouer qu'il n'arrive pas à communiquer avec les élèves.

en même temps... c'est une vraie énigme. il se retient de dire profondément ce qu'il pense sur ce que dit ce gars qui l'inquiète un peu. il a sincèrement envie de l'aider mais il se demande tout de même s'il n'est pas un peu dans sa phase de rejet de l'autre, de tout.

* nan mais c'est quoi ce...

comment il était, lui, enfant ? adolescent ? tout est mélangé dans sa tête et la majorité de ses souvenirs qui remontent trop ont été découpés, remodelés, atténués par des mois intensifs de médication. il devait s'engueuler avec ses parents, sans aucun doute. il tapait sur certains camarades, d'autres l'aidaient et ils étaient amis ? mais plus il essaye de se rappeler et plus ça semble simpliste. on est voisins donc autant jouer ensemble, on est assis à côté donc autant jouer ensemble. est-ce qu'il est jamais vraiment allé chercher quelqu'un pour vouloir se rapprocher ? il n'a peut être pas fait grand chose de plus que le jeune devant lui, mais il n'arrive pas à être certain.

mais il ne veut pas capituler pour autant. il ne veut pas avoir l'impression de l'abandonner à son sort.

* tu vois bien que j'galère à expliquer mais... bon, quand j'étais pas au top et que j'envoyais plus ou moins chier tout le monde ça m'énervait l'idée qu'on puisse me prendre en pitié ou qu'on ai peur de mes problèmes. mais en fait y'a toujours au moins un gars pour se ramener, qui s'en fiche pas mal et qui raconte deux trois trucs censés.

pour sa part, de fermer un peu sa gueule et de se calmer.

* j'parle même pas d'aller toi discuter avec des gens mais... je pense que c'est bénéfique de pas se fermer quand des camarades s'approchent, au moins tant qu'on les as pas jaugés.

Il baisse les yeux, encore.
Oui, sans doute, l’a-t-il fait : décider de ce qu’il voulait, lui. Il y a là quelque bon sens, des vérités partagées. Pourquoi le trouve-t-il différent cependant ? C’est un adulte, pense-t-il. Il a sans doute eu le temps de se trouver, aussi difficile cela soit-il. Blas n’est pourtant nul part à l’horizon et il l’envie.

« Suis-je si fermé que cela ? »

Les questions posées là n’ont rien, ne sont embaumées d’aucun artifice ni d’aucun sentiment. Sans doute, un air candide les aurait fait rouler entre marée, mais les siennes se cassaient à chaque vague. Il l’était, fermé. Seulement, voilà, il répondait encore, un pied dans le vide, un pied sur terre et la tête dans les nuages. Douce agonie que de se laisser rêver d’autre chose, douce humanité le conduisant à sa perte. Il se tuait à petit feu, responsable de sa propre mort. Ou irait-il Blas dans toute sa neutralité ?

Il secoue la tête, ribambelle de phrases posées au coin de ses yeux, posées dans l’air pour tenter de le faire évoluer. Il n’avait rien à ajouter de plus.

« Je n’ai rien contre le fait que vous me racontiez deux ou trois trucs de ces trucs censés. »

Et il n’avait sans doute jamais rien eu contre. Il aimait sans doute cet isolement, perdu dans son propre désert, aventure à portée de bras. Son univers ne lui appartenait qu’à lui si bien qu’il ne tentait, ne savait comment l’expliquer, comment le décrire. Il ne le ferait sans doute pas, encore une fois. Non, mais ses yeux resteraient là, accrochés sur le visage de l’autre, étrangeté à sa vision qu’il tenterait de percer avant que lui ne le perce. Mais sans doute cela l’aurait-il arrangé tout autant que dérangé. Il n’aimait qu’on le décrypte lui, qu’on y mette des mots comme pour l’enfermer. Sans doute, changerait-il à chaque lecture, il l’espérait. Il tournait en rond.

« Je n’ai non plus rien contre les personnes se ramenant. »

Est-ce un mensonge ? Il n’aimait juste pas ce qu’il ne comprenait pas et les questions destinées à comprendre froissaient. Alors, il tentait de répondre à celle des autres avant qu’elles ne soient posées. Cela n’aurait su faciliter la chose. Mais Blas n’avait jamais facilité quoi que ce soit, sinon la recherche des libres dans les bibliothèques qu’il côtoyait : cela lui allait mieux ainsi.

c'est dur, d'être vulnérable. c'est dur d'ouvrir sa poitrine et d'offrir son coeur, rien qu'un bout, à qui que ce soit, même si on le connait bien. avec quelqu'un que l'on cerne mal, qui nous intrigue c'est... c'est d'autant plus compliqué, et Bic le ressent, partagé entre continuer d'expliquer avec les seuls exemples qui existent, sa propre vie, ou se dire que visiblement l'élève en face de lui n'est pas si malheureux que ça.

il est obligé d'admettre qu'il ne comprend rien à rien et est un peu venu avec ses gros sabots, persuadé de savoir comment régler le problème, si tant est qu'il y a un problème. ça fait mal aussi, de se remettre en cause. mais Bic est habitué à la douleur, depuis le temps, alors même s'il a du mal à avaler la vérité pourtant si criante en face de lui, il faut bien à un moment qu'il retienne le soupir et la leçon de vie qu'il s'apprête à faire pour vraiment voir celui qu'il a en face, cette énigme, et en prendre toute l'ampleur sans chercher à calquer ça ou à le diminuer d'une façon ou d'une autre.

c'est facile, de réduire les problèmes, de les casser en tout un tas de petits morceaux et de se raconter qu'on peut le régler comme ça. c'est facile de se dire que ceux en face ne sont même pas humains et qu'ils n'ont pas vraiment mal malgré les hurlements de douleur qui arrachent ses tympans. c'est facile de se dire que ce ne sont que des sales gosses pas encore totalement développés et qui ont un certain amour pour tout ce qui pourrait les rendre différents ou intéressants.
c'est facile et le surveillant a bien apprit sa leçon, a su le faire très vite, assez pour qu'on le trouve très doué dans sa carrière. mais ça ne suffit pas, pas ici.

* bon, j'vais être honnête, j'y comprend pas grand chose. à ce que tu as dans le crâne, et comment tu vis en général. mais heu.... si tu as des difficultés... je peux aider ? peut être ? visiblement on n'a pas beaucoup de points communs mais je peux aider. ça doit être chiant d'écouter un vieux, j'aimais pas trop ça mais parfois ça vaut le coup...

parfois il faut un peu arrêter de se regarder soi, quand on veut filer un coup de main à quelqu'un, mais Bic a toujours du mal à le faire. il est un peu nerveux, plus que lorsqu'il s'est installé, confiant et persuadé qu'il réglerait ça en une petite conversation. plus que quand il se disait tout au fond que c'est juste un gosse torturé en pleine crise d'adolescence.

il essaye de le voir comme quelqu'un à part entière, mais on ne lui a jamais vraiment appris comment.

heu dsl c n'importe quoi et tard.........

Cela viens sans aucun doute d’une bonne intention, il en est certain. Cependant, il ne sait quoi faire de tout cela. C’est un adulte, il a pris l’habitude de tendre la joue, tendre l’oreille et de répondre du mieux qu’il pouvait. Mais Blas ne trouve rien. Il a beau faire l’inventaire, ranger les pensées par ordre, les trier, il n’en pense rien.

« Aider pour mes problèmes ? »

La chose se veut si flou, si ouverte à toute demande qu’il ne sait quoi rétorquer. Il n’a pas vraiment de problèmes sinon lui-même et sa propre vision de sa personne. Pourtant, il n’espère changer et à sans doute conscience de son sérieux assassinant qui ose en approcher. La givrure accompagnant sa voix en laisse plus d’un gelé et on s’offusque en sa présence. Encore une fois, il se demande si cela n’aurait pas avantagé sa fuite que de voir l’autre – dont il ne sait toujours pas son nom et il l’apprendrait sans doute plus tard, bien trop tard pour réaliser ses actions.

« Il n’y a pas vraiment besoin de m’aider, vraiment. »

Doucement, il lève son plateau. Il laisse sans doute le temps à l’autorité de le rattraper s'il le faut : il ne sait vraiment si cela s’appelle politesse. Il ne sait pas vraiment après tout la sienne se voit toujours déformée, réinventée. Lassitude accrochée à son nom, le voici encore prêt à s’envoler, loin. Il n’y a pas de monde imaginaire, juste le brouhaha d’un quotidien qu’il ne partage avec personne d’autre de parole, les autres sens s’en chargent très bien. Et puis, il laisse venir ceux qui le veulent s’ils s’arment de matière, de chose à dire et à raconter.

« Enfin, je ne vois pas vraiment ce que je pourrais dire de plus ou dire tout court. »

Il le regarde une dernière fois. L’oublierait-il ? Sans doute, se croiseraient-ils de nouveau et d’habitude, un autre se serait laissé envahir d’un tout autre sentiment lors de l’affaire. Il n’y a plus rien qui vient dans le cœur de Blas. Il en penserait sans doute quelque chose plus tard, trop tard. Il oublierait.

Et déjà, il s’éloigne doucement du bord de la table. Sans autre attache, il s’en ira.

c'est un échec, non ?

Bic sent chacune de ses tentatives plonger dans les abysses de l'esprit de ce jeune sans jamais rien toucher et sans jamais refaire surface. il en a essayé, pourtant, des choses, selon lui. mais ses moyens sont limités et son cerveau si peu entraîné à avoir une vraie discussion franche avec quelqu'un. il ne sait pas faire, communiquer honnêtement et comprendre l'autre en face.

la façon qu'il a de répondre fige le surveillant sur place, l'inquiète, mais que peut-il bien faire ? ses problèmes dans la vie sont tellement plus simples... quelqu'un ne te respecte pas ? frappe le. tu ne supportes pas quelqu'un ? évite le, et insulte le dans son dos ou en face, selon les opportunités. être agressif et violent, c'est comme ça qu'on lui a toujours appris à régler ses problèmes, pendant des années, en allant même jusqu'à le récompenser et le féliciter.

et du jour au lendemain,
il fallait être calme et composé.

répondre gentiment, finir tout ses emails par "cordialement", se taire face aux supérieurs, il savait le faire, mais sans leur jeter des regards assassins ?

il essaye d'apprendre, vraiment, il veut faire des efforts. mais voir Nuni le fuir à la première occasion, voir Blas lui répondre si froidement... il le voit lever son plateau, pas la peine d'être devin ou d'avoir le pouvoir de voir les actions futures pour savoir ce qui va se passer, il va le planter là. mais il décide de ne pas le rattraper, à quoi bon ? il n'est plus tout jeune, il se connait : il sait qu'il sera brusque et intimidant, s'il essaye de le faire là, sans y réfléchir. alors se sentant pris de cours il lui offre un sourire pathétique qui n'arrange rien et le laisse partir.

* ... merde.

tu as voulu bien faire, Bic, mais tu devrais être bien placé pour savoir qu'il ne suffit pas d'avoir de bonnes intentions pour savoir s'y prendre correctement et avec assez de tact pour ne pas se faire rejeter... continue de t'entraîner, mais tu n'y es pas encore.

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