le démon un peu nul de minuit (ft. raven)

Il y avait de l'orage cette nuit-là. Un orage terrible qui lui rappelait ses plus jeunes années, à Polaris, quand il avait encore Sani ou Maman pour venir le rassurer. Mais aujourd'hui, il n'avait pas le droit de parler à Sani et Maman était très loin de lui. De toutes façons Maman ne voulait plus vraiment lui faire de câlins, et ses tentatives pour le rassurer quand il avait peur étaient... ce qu'elles étaient.

Tout ça pour dire que Nuni était recroquevillé dans ses couvertures, observant par la fenêtre le ciel s'illuminer de temps en temps. Et il pleurait, oh oui il pleurait, de gros sanglots silencieux qui secouaient son corps et le faisait trembler. Qu'est-ce qu'il avait peur ! Tout ça pour une très grosse pluie et un orage, passage obligé de la fin de l'été.

Un bruit dans la chambre l'avait fait sursauter et il avait relevé la tête de ses draps, observant Lyam qui dormait paisiblement, pas dérangé par le mauvais temps, et Raven, qui semblait réveillé. Il ne parlait pas trop à Raven, de toutes façons Raven ne parlait à personne. Mais à choisir, il préférait peut-être Raven à Lyam, parce que sa personnalité plus réservée et calme était plus gérable pour son cerveau enfantin.

Il fit une bouille, mal à l'aise. Peut-être qu'un peu de discussion l'aidera un peu à se rassurer... ? De toutes façons, Raven ne lui répondrait probablement pas. Oh, il n'avait rien à perdre.

* Tu dors pas Raven... ?

tu avais entendu une petite voix qui venait d'un autre lit. évidemment ce n'était pas lyam, quand lyam t'adressais la parole ça ne finissait jamais bien. mais nuni. tu avais passé la soirée - depuis le couvre feu - à tenter de dormir, mais voyant que l'orage te tenait éveillé, tu avais préféré te mettre à lire, plissant les yeux pour profiter du peu de lumière que la lune t'offrait. du coup, nuni venait d'attirer ton attention, et tu posais tes yeux bicolores sur lui. tu ne savais pas trop ce que tu pensais de nuni, en vérité. ni de bien, ni de mal. il avait l'air un peu perdu dans sa vie et même si tu te méfiais encore de lui - à cause de votre première rencontre - tu n'avais rien de spécial contre lui. du coup, tu t'étais mis à l'observer, silencieux. il avait l'air terrifié.

tu pouvais comprendre. toi tu n'avais pas peur, parce qu'à la maison l'orage faisait trembler les murs et concrètement ici c'était pas grand chose. alors oui, ça allait. du coup, tu posais ton livre sur ta table de chevet et tu tendais la main vers nuni avant de tenter de lui faire un sourire rassurant. puis tu lui fis signe de venir vers toi, pour avoir un câlin. tu devais être de bonne humeur.

Raven a réagi ! Il renifle un petit peu, adressant un sourire à son colocataire. Bon, un sourire tout cassé par la peur et les sanglots, mais un sourire quand même. Un autre éclair illumine la pièce et il couine de terreur, se cachant encore un instant sous sa couette - sans perdre Raven des yeux, quand même. Est-ce qu'il va profiter du grondement du tonnerre pour dire quelque chose ? Oh, non, ça le mettrait mal de ne pas avoir entendu les premiers mots de Raven !

Et puis finalement, il pose son livre sur la table de chevet et lui tend le bras. Bon, on va pas se mentir, pendant un instant Nuni l'observe juste avec des yeux vides, ne comprenant pas ce que le garçon aux cheveux bicolores lui voulaient, mais très bien. Et puis finalement il connecte deux neurones et son visage s'illumine, alors qu'il se lève plus ou moins discrètement (il ne fallait pas réveiller Lyam, mais honnêtement si l'orage ne le réveille pas, Nuni qui se faufile jusqu'au lit de Raven ne le fera pas ciller non plus) pour aller se glisser près de Raven. Il sent bon Raven. C'est la première chose qui le frappe, et il lui fait un petit sourire timide, blotti contre lui.

* Merci... J'ai vraiment peur. Je croyais que tu allais m'ignorer, mais non ! C'est gentil...

il a l'air d'avoir peur, nuni. il tremble comme une feuille près de toi, et lorsque tu renfermes finalement tes bras sur lui, tu as cette impression étrange d'avoir une vie là, tout près de toi. un peu comme quand tu recueillais des petits animaux blessés de la forêt pour les ramener à la maison, au grand désarroi de tes parents. sauf que voilà. nuni, t'as l'impression que dans ton état, tu pourrais le briser. mais t'as pas envie. en fait, t'aime pas les gens, mais nuni t'aime bien le regarder sourire, et être idiot à sa façon. même si dans la chambre il se retient. tu le vois bien. tu sais reconnaître les gens qui mentent, qui se cachent, alors c'est facile. tu frottes doucement son dos avant de te laisser tomber en arrière pour te rallonger et tu l'entraîne contre toi, avant de rabattre la couverture sur vous. il ne fait pas spécialement froid, mais tu as un genre de ptsd de pas avoir de couette sur toi. tout le monde sait que les monstres ne passent pas les couettes.

et puis, les secondes s'égrainent, le tonnerre gronde encore, les fenêtres tremblent. tu patouilles les cheveux de nuni, tout en fixant le plafond. tu sais qu'il parlera s'il a envie, et que tu l'écouteras, sans rien dire. n'empêche, tu peux pas t'empêcher de lancer un regard vers lyam, en priant pour qu'il reste endormi. voire même mort.

Il observe les couvertures de Lyam qui se soulèvent au rythme de sa respiration paisible, depuis les draps de Raven. Et il plisse les yeux, suspicieux. Est-ce que les couvertures de Lyam se lèvent vraiment ? Ou est-ce qu'il a l'impression qu'elles le font ? Il devrait être réveillé, vu le bazar que fait l'orage dehors. Personne ne dort aussi profondément, pas vrai ? Sani dormait toujours quand il se glissait sur son matelas après avoir quitté le sien, mais il se réveillait dès que Nuni approchait. Alors là, Lyam qui dort comme un bébé alors que le tonnerre gronde dehors... C'est pas possible. Lyam est forcément...

* Tu crois qu'il est mort ?, il murmure tout bas, d'une petite voix, comme si c'était un secret qu'il ne fallait surtout pas révéler.

Il l'observe, Raven ne pipe pas mot et ça le rend un peu triste. Il aurait été très heureux d'assister aux premiers mots de Raven ! Mais bon, il suppose que le garçon aux cheveux bicolores ne lui fait pas assez confiance, peut-être. Ou alors il est muet ! Ce qui serait super cool ! Il bâille à s'en décrocher la mâchoire, sans un bruit pourtant. Peut-être pour ne pas déranger Raven, qui sait. Et puis il cale sa tête contre l'épaule de son colocataire, et le détaille un peu, les yeux grands ouverts. Il sourit, il aime bien Raven.

* C'est trop bizarre de dormir avec quelqu'un d'autre que mon grand-frère. Il s'appelle Sani ! Enfin moi je l'appelle Sanini, parce que c'est son surnom. Et à la maison, on dort dans la chambre ! Et Maman elle dort dans le salon, sur le canapé. Et on a un matelas chacun, par terre. Mais moi j'allais toujours vers lui parce que mon matelas il était vers la fenêtre, et j'avais toujours peur quand il pleuvait ou quand il faisait de l'orage.

Il n'a pas vraiment fini son histoire, il n'en a pas conscience en réalité. Il sourit de toutes ses dents au plus vieux, blotti contre lui. Il parle pour deux, au moins il n'y a pas de silence gênant.

tu le trouvais mignon, nuni. aussi mignon que les oiseaux aux ailes brisées que tu recueillais avec soin dans le jardin, ou dans la forêt qui bordait la demeure de guise. là-bas, tu avais une chambre immense, un lit immense, des draps à s'en noyer, des peluches aussi, des oreillers brodés. papa donnait tout pour toi, tout son confort, pour toi. tu étais un prince, là-bas. et ici tu n'étais rien. loin de ton père, de tes pères - même si ça faisait mal à admettre - tu n'étais plus personne. plus de trône pour toi. pauvre petit ange déchu, tombé loin de son paradis. nuni te raconte ses petites affaires. d'où est-ce qu'il vient ? tu te demandes. il ne respire ni le luxe, ni la belle vie, nuni, et quand tu te souviens comment tu l'as rencontré, ça n'a rien d'étonnant. sani, hein. ça te dit vaguement quelque chose. un genre de caïd des cours de récré, il te semble.

caressant tendrement les cheveux de nuni pour qu'il s'endorme, comme un père le ferait avec son enfant - comme ton père le faisait avec toi, lorsque les cauchemars te secouaient à t'en faire sangloter - tu jettes un nouveau regard vers lyam. faites qu'il ne se réveille jamais. faites qu'il ne te voit pas avec nuni, toi, qu'il martyrise toujours, pour un oui ou pour un non. pas que ça te touche réellement, même si ta carapace est ébranlée ici, tu n'es pas prêt à le laisser l'emporter. seulement, le voir dormir te donne l'impression qu'il est vulnérable. tu pourrais si facilement poser ton oreiller sur son visage et l'étouffer dans son sommeil. loin des yeux innocents de nuni, cela va sans dire.

Il couine un peu alors qu'un nouveau coup de tonnerre gronde. Les éclairs illuminant la pièce de temps à autres lui permettent vaguement de repérer Raven - qu'il devine être en train de regarder Lyam fixement. Alors il suit son regard, observant la masse endormie à l'opposé du lit de Raven. Il ne sait pas ce qu'il pense de Lyam. Il n'y a pas grand-chose dans sa caboche, à Nuni, et surtout pas maintenant. Il gonfle les joues, son regard observant Raven et Lyam, l'un après l'autre.

* Tu le détestes ?

Au moins, il sait détecter la haine que ressent Raven envers leur colocataire. Et s'il ne comprend pas vraiment pourquoi le garçon aux cheveux bicolores déteste Lyam, mais il ne dit rien de plus. Même si la curiosité et l'envie de demander lui brûlent la langue. Mais, non. Il ne doit pas demander. Il doit résister - parce que de toutes façons Raven ne lui répondrait pas. Et puis...

* Pourquoi ?

Il craque. Ça n'aura pas duré longtemps, en tous cas. Il se rapproche de Raven, pour lui chuchoter un secret à l'oreille, quelque chose comme "moi c'est toi que je préfères". Et puis il se recule, adressant un grand sourire à Raven, illuminé par un éclair soudain qui le fait sursauter et se cacher contre son colocataire.

* J'ai trop peur... Pourquoi ça s'arrête pas ?

est-ce que tu le détestes, lyam ? tu n'en sais trop rien. peut-être que lyam, dans sa façon de te regarder, d'appuyer ses yeux sombres sur toi, de probablement penser n'importe quelles inepties, il te fait penser à lui. parfois, t'as envie de lui hurler au visage qu'il ne te connait pas, qu'il ne sait rien de toi, et qu'il ferait mieux de la fermer avant que tu ne lui en colles une, ou pire ! mais il ne mérite pas. ils ne méritent pas. ils ne méritent pas que tu te fatigues à chercher les mots, ils ne méritent pas que tu ouvre la bouche. nuni, peut-être qu'il mériterait, c'est vrai, mais nuni t'as pas besoin d'ouvrir la bouche qu'il comprend, ou du moins, ouvrir la bouche n'y changerait probablement rien.

tu ne saurais dire pourquoi tu n'aimes pas lyam, alors évidemment tu ne réponds pas, et lorsqu'il demande pourquoi ça ne s'arrête pas, tu le resserres tout contre toi, tu serres ses petites épaules frêles et tu fermes yeux, tu caresses ses cheveux et sa nuque, comme papa le faisait, tu t'efforces de respirer calmement, pour calmer les sursauts qui le font bondir à chaque coup de tonnerre, et tu resserres ta prise. rapace, c'est ce qu'on dira de toi, oh tu portes bien ton prénom, oiseau de mauvaise augure. mais sur nuni, c'est veiller que tu veux faire, tu resteras éveillé aussi longtemps qu'il le faudra pour qu'il s'endorme, et tu ouvres un oeil pour le fixer avant de lui sourire, tout doucement, juste un peu. faites qu'il aille mieux...

Finalement, il se sent sombrer doucement. Les caresses tendres et pleines d'une affection qu'il espère vraie de Raven le font somnoler peu à peu. Il se rapproche du jeune homme, calant sa tête contre son épaule en fermant les yeux à moitié. Dehors, la tempête agite toujours les ombres des arbres, les éclairs illuminent toujours la pièce, le tonnerre gronde toujours, lent et sombre.

* Raven... C'était vraiment gentil de me faire des câlins...

Distraitement, l'air de rien, le bout de son pouce vient se coller à ses lèvres alors qu'il se roule en boule contre le garçon bicolore. Sans vraiment y penser, il lui dévoile un secret, alors que ses yeux se ferment pour de bon - en espérant qu'il ne se réveille pas à nouveau pendant la nuit. Il aura une grosse journée demain, il a besoin d'être en forme.

* T'es vraiment le meilleur... Mais faut que tu dormes aussi..