ils se découvrent à n'en plus finir sur une aube arrogante se remboursant du bien comme du mal

la tête de viktor est toujours pleine de bruit aux heures impaires du jour, où il est si gavé de paroles et de regards, des contacts et de l'odeur des gens, qu'il doit parfois se retirer lors des rares pauses auquel il a droit, pour ne pas devenir un titan indolore dont les yeux ne se fendent que pour exprimer sa fatigue et une saturation des sentiments - alors lorsqu'il ouvre la porte de la chambre cinq - dans sa chambre, même s'il n'y pense pas ainsi -, il est content de n'y trouver personne, il n'a plus la définition d'amitié dans un coin de sa tête, il y a trop de bruit. déjà il s'aperçoit du poids confus qui se déroge à ses épaules, glisse le long de son dos pour l'attendre sagement sur le pas de la porte. le silence est blanc entre ces quatre murs désormais clos et quand viktor pousse un premier soupir, il devient lui-même un peu plus pâle, il se fait calme à l'entrée de la chambre comme sur le pas des églises ; en passant près du lit de pablo il retient sa respiration, par réflexe. il ne fait pas exprès. tous les sons alentours lui arrivent en sourdine et il voudrait vivre ainsi plus souvent, mais il ne se fait pas la réflexion, viktor est trop fatigué.

il aime le bruit sourd que fait le matelas lorsqu'il s'allonge dessus, car il le reconnaît et rend le lieu moins inquiétant. trop rustre pour retirer ses chaussures, il s'allonge de tout son petit long sur son petit côté droit, lorsque sa main calleuse s'allonge - ou est-ce son bras - pour tirer sur lui la très grande couverture. sa tête repose sur l'oreiller et son odeur de lessive, qu'il n'aime pas - maintenant qu'il n'a plus de téléphone viktor n'a pas trouvé d'autre moyen de s'occuper, et ça l'agace de perdre du temps à dormir ; mais lorsque ses yeux se plissent sous le poids des paupières, une étoile chacune - il ne rejette ni la torpeur ni le son de son sang, qui pulse jusqu'à ses oreilles - c'est avant de s'endormir que viktor se ment un peu, car il ne veut pas faire de cauchemars. son sang c'est le doux gargouillis des rêves naissants et la porte qui s'ouvre c'est l'arrivée de morphée qui a les bras chargés de plumes, il ne cille pas. son souffle est tranquille et bien régulier quand marvel prend la parole et durant une seconde il ne lui pardonne ni la trivialité de son salut, ni le son de sa voix, ni sa présence importune pour tout le monde - tout le monde c'est lui, puisqu'il est tout seul. il n'esquisse pas le moindre geste lorsque marvel et là car il veut lui montrer que sa propre personne et le soin qu'il y porte passe avant elle, soit après quasiment tout. par provocation il étire même un long bâillement silencieux mais qu'il arrive tout-de-même à rendre malpoli. viktor ne dit pas bonjour.

je dors. il n'y a pas d'accusation dans sa voix, viktor se trouve soudain un goût démesuré pour les grandeurs, que certains nommeraient folie ; il se croit le sommeil un peu noble lorsqu'il se trouve dans le cocon ténu de la cinquième chambre, et les replis de sa couverture lui font comme une traîne de roi. je me lèverai pas pour aller faire le bouffon avec toi sur scène, hein marvel. il la regarde de biais mais prend bien soin de se fabriquer un mépris en angle droit, pour aller tout au fond des yeux bruns de marvel. même si je sais, il change de côté, que ça te fend le cœur, le lit craque sous le poids de son coude anguleux qui cherche un nouvel appui, plus proche d'elle - mais détourné, de pas être dans le même club que moi.

il est complètement retourné lorsqu'il achève sa tirade, comme tout mort et tout fatigué de plaisir bonhomme. mais à la vérité viktor n'a plus du tout sommeil et maintenant qu'il fait face au mur, ses yeux restent ouverts et un peu rouges. il a un bruit dans le fond de sa tête, dans un coin de sa tempe qui lui fait ressasser les dernières paroles de marvel. il lui faut toujours répondre - alors il a un dernier soubresaut avant la mort, ses épaules qui se tordent et son nez qui pointe un peu vers l'arrière ; tandis que dans sa gorge se prépare les inflexions tranchantes des méchants petits princes.

et t'es conne ou quoi, il fait super beau en ce moment. jpréfère être dehors qu'enfermé dans une petite pièce nulle hein merci

pourquoi vient-il de dire merci ?

bouge maintenant merci

mais ! et voilà une lumière qui s'est éteinte dans le creux de ses yeux ; ses dents se serrent sans qu'il ne comprenne pourquoi, comme d'habitude, il mettra ça sur le compte du sommeil - ça suffira, tant que ce n'est pas lui.