⊷ évent un ; (gr1bis) je pars à l'aventure !

putain. nuni nuni nuni où es tu ?

il n'a pas eu un regard de compassion pour les élèves. il s'est éloigné sans un mot et il n'entend que ses pas qui résonnent dans les couloirs mal éclairés. il marche rapidement, pas la peine de courir pour s'essouffler en quelques minutes, et observe le couloir qui ne semble que s'allonger.

c'est pas bon signe.

nuni. nuni, merde. la grêle résonne, la foudre continue de hurler dehors avec le vent et l'orage... sa tête s'emplit des pires scénarios. le crâne écrase par une tuile mal accrochée et emportée par la tempête, son corps frêle encore secoué par quelques spasmes. carbonisé par la foudre, le corps tordu dans une ultime agonie. recroquevillé sur lui même, les lèvres bleues et plus un seul souffle qui ne s'en échappe, sous la grêle glaciale.

il ne veut pas penser à ça, il ne faut pas penser à ça. pour essayer de chasser ces images de sa tête il tente de se rassurer, il n'est pas seul, non ? ... oui, il l'a laissé à Hyun avec des recommandations à rallonge pour ses activités de club, avant d'être obligé de céder à l'interview des autres fouineurs...

les mains tremblantes il cherche le numéro du portable prêté à Hyun et l'appelle, attendant avec inquiétude, espérant qu'il réponde, chaque seconde amplifiant l'horreur des images qui tapissent son imagination.

* allez décroche sale fils de pute...

* putain MERDE ENCULÉ !

Bic a envie de jeter son portable, de l'écraser dans sa mère jusqu'à sentir chaque composant s'enfoncer douloureusement dans sa paume, il a envie se frapper quelque chose quitte à se casser le poing... il se contente de crier, une petite voix hurlant au fond qu'il a besoin de la lumière pour trouver Nuni, il a besoin de ses mains pour protéger Nuni.

sa voix... oui, c'est bien sa voix, dehors, quelque part, perdue dans l'orage... ça donne envie de tout casser, pas vrai ? ça donne envie de briser la fenêtre et de sauter quitte à se casser la cheville qui te reste ? mais comment l'emmener loin du danger, comme ça ? alors il continue d'avancer dans le couloir mal éclairé et dont chaque ombre lui renvoie sa solitude et ses craintes.

il a envie de se dire que tout va bien, Kang doit être avec lui, non ? il doit sûrement le surveiller, il doit se rappeler des recommandations interminables qu'il a énuméré plus tôt, non ?

BANG !

ce bruit... ce bruit, il n'est plus censé l'entendre depuis des années, certainement pas ici, pas maintenant. pourquoi la voix s'es tue ? est-ce que quelqu'un a osé s'en prendre à Nuni ?

tu le vois étendu au sol, le visage trop détruit pour le reconnaître, comme seul indice les touffes de cheveux rousses éclaboussées d'une bouille rouge. tu l'imagines touché quelque part, en train d'hurler, de pleurer, d'appeler à l'aide, ses pauvres mains trop agitées pour empêcher le sang de s'échapper. tu te revois le serrer dans tes bras, lui dire que tout va bien, que tu vas le venger, qu'il n'aurait jamais du s'enrôler, que si le lieutenant survit à ce coup fourré tu le tueras... il n'a jamais tenu Nuni ainsi, jamais échangé ces mots, pas avec lui, mais les images se superposent dans sa mémoire, se mélangent et lui donne envie de jurer encore plus.

il faut le trouver.

il n'y a que lui pour le protéger.

... comme tu as protégé les autres ?

le surveillant serre les dents au point de sentir sa lèvre inférieure se déchirer, saigner. il ne sait pas de combien de mètres il a bien pu avancer, en proie à ses souvenirs et ses angoisses, mais il faut continuer d'avancer, il faut sortir d'ici, il faut aller le sauver, il n'a pas le droit de subir le même sort.

les murs semblent se resserrer, t'enfermer, te guider hors du chemin et plus profond dans les ombres. pourtant, pas même ta respiration de plus en plus bruyante, les injures qui s'échappent sans retenue de tes lèvres ni tes pas lourds et pressés ne parviennent à tes oreilles. tout semble enveloppé par l'obscurité tenue à distance par le faible faisceau de la lampe. tenue à distance mais comme prête à frapper.

le seul bruit qui te parvient sont ces cris horribles,
inatteignables,
lointains et pourtant si proches,
tout contre tes tympans. quelle est cette voix paniquée, à qui appartient-elle ? personne ne le sait, certainement pas toi, mais tes craintes ne font qu'alimenter ton imagination morbide...

il faut continuer, quoi qu'il arrive,
mais par où ?

* merde...

une porte,
là, devant.

juste là.

cette porte qui s'offre à tes yeux, ça ne peut être qu'un piège, non ? c'est trop évident ? pourtant tu n'arrives pas à t'orienter, ni à savoir d'où viennent les cris, alors tu la franchis sans hésiter. sans réfléchir. tu ne sais pas ce qui peut bien t'attendre derrière ce simple panneau de bois, tu ne sais même pas si c'est vraiment une issue mais tu ne sais plus faire qu'une chose : avancer.

putain...

* de merde !

la porte s'ouvre sur une pièce éclairée, habitée. loin du déluge et de la panique.

pendant quelques secondes, Bic se demande s'il n'est pas en train d'halluciner, s'il n'a pas totalement pété les plombs ou s'il n'est pas avec Owen, quelques tubes de cachets vides laissés dans un coin de la pièce, aveuglés par l'écran de leurs télephones, qui affichent des photos de chats. mais tout semble trop réel, la friction de ses vêtements sur sa peau abimée, l'odeur du linge, les craquements du bâtiment...

inspire, expire.

pourquoi est-ce que son cerveau aurait envie de lui montrer Jun ? Nuni, il comprendrait, vu comme toutes ses pensées se tournent vers lui, hurlent son nom et prient pour son bien être, mais un type qu'il a croisé occasionnellement dans les couloirs et à des réunions du personnel...

pourquoi est-ce qu'il est là ?

comment une porte dans le bâtiment cobalt peut l'amener dans le dortoir des filles ?

pourqu- ... ah. il devrait peut être éteindre la lampe de son téléphone, pour l'instant toujours braquée sur Jun.

* ... pardon. correct et poli, même si ça ne dure qu'une seconde, c'est déjà beaucoup d'efforts pour lui. qu'est-ce que tu... enfin, on s'en fiche, tu as vu Nuni Duan ? le petit roux, qui court partout et parle comme un gamin ?

malgré sa démarche un peu boiteuse, il est déjà sur le seuil de la porte. il repense à ce qui est arrivé plus tôt, quand il a quitté les élèves du club journalisme... il pense à eux pour la première fois depuis qu'ils ont quitté son champ de vision, tout à l'heure. mais ce n'est pas le moment de culpabiliser, pas tant que sa mission n'est pas finie. sa vraie mission, il n'a aucune idée de ce que ça peut bien être, dans un bordel pareil, mais il sait très bien ce que son coeur lui ordonne de faire.

il se retourne, jette ce qui sera peut être un dernier regard.

* ... je vais le chercher, suis moi si tu veux.

est-ce qu'il culpabilise ?

il ne s'est presque pas senti mal, en laissant seuls des élèves, alors pourquoi est-ce qu'il se sentirait mal pour un adulte qui semble bien s'en sortir pour l'instant ?