“ lonely new dawn ” ━ Ciel ♡

Cette nuit-là, t’avais eu du mal à trouver le sommeil. Quoi de plus normal, lorsque Ciel s’accrochait à toi comme à une bouée de sauvetage et que, de ton côté, tu attendais l’aube avec une certaine impatience mêlée à de l’appréhension. Celles avec lesquelles tu vivais chaque année à cette date. S’il n’avait pas été là, collé contre ton torse, tu aurais sûrement été d’une toute autre humeur. Mais il était là. Oh, il n’en avait aucune idée, uniquement prisonnier de tes bras pour sa propre santé mentale, mais c’était la tienne qu’il sauvait cette fois-ci. C’était ton cœur qu’il apaisait de son souffle régulier qui te chatouillait la nuque.
Évidemment, toute torpeur te quitte dès que les premiers rayons de lumière traversent la vitre de votre chambre. Papillonnant des yeux, tu l’observes un instant, ce nouveau jour qui se lève. Ces couleurs pastelles qui tapissent le mur. Ce sont les souvenirs qui remontent à la surface, effleurent ta conscience et t’attirent ailleurs – dans un passé si lointain qu’il te paraît appartenir à quelqu’un d’autre, à une vie antérieure qui n’est pas la tienne. Inconsciemment, tu tends la main vers ces teintes spectrales (elles ne sont pas vraiment là).
Contre toi, il remue un peu et tu as soudain peur de le réveiller alors qu’il dort si bien, si profondément, et t’as beau savoir que tu ne devrais pas, tu lèves tout de même une main jusqu’à son visage. Tes doigts poussent délicatement une mèche couvrant ses yeux, la coinçant derrière une oreille. Tu le regardes et tu souris, simplement. S’il pouvait toujours avoir l’air si paisible, tu en serais heureux.

Mais aujourd’hui, c’est toi qui ne l’es pas.

Tendrement, tu embrasses son front et, aussitôt retiré, tu te dérobes à son étreinte inconsciente. Tu y fais attention, à ne pas le brusquer, qu’il reste endormi jusqu’à ton retour. Sur le chemin jusqu’à la porte, tu attrapes un hoodie que tu enfiles tout en cherchant tes chaussures et tu es dehors avant de le remarquer.
Esprit ailleurs, cœur ailleurs.
Toujours ainsi à cette période de l’année - c’est un anniversaire que tu aurais préféré effacer de ton calendrier mais elle se rappelle à toi sans que tu le veuilles. Tu es incapable de l’oublier ou de tourner complètement la page. Pourquoi le ferais-tu, après tout. Tes parents te manquent et personne ne devrait avoir à te dire de faire autrement, de changer ta tradition.

L’air est terriblement frais pour un mois d’août, ça t’enchante d’avoir pensé au hoodie et tu y plonges tes mains, inspirant profondément, les yeux fermés. Les battements de ton cœur se font réguliers malgré la peine qui t’habite, rongeant lentement ton âme esseulée ; ce jour-là est différent des autres années, à ton sens.

Aujourd’hui compte dix ans depuis leur mort.

il est parti. simple courant d'air, souvenir effacé. lorsque tu te réveilles, paupières closes, le soleil caresse ta joue. le soleil te manque, ton soleil, ton idiot de soleil. tu te vois projeté en arrière, il y a trois ou quatre ans, au camping. tu t'étais réveillé dans les bras de luca, après que des centaines de fourmis aient prit d'assaut sa tente et son sac de couchage. quel idiot il avait été, de planter son campement sur une fourmilière, pas vrai ? tu avais été si heureux de voir sa petite bouille gênée venir demander s'il pouvait venir avec toi. tu ouvres les yeux, il est parti, s'en est allé. il est loin, luca. il ne t'a pas envoyé de lettre, luca. ou personne n'a voulu de la donner, tu n'en sais rien. tu serres les draps contre toi, yeux mi-clos, cœur serré, plein de regrets. et alors que tu réveilles, tu repères la place encore tiède à tes côtés, vide. noah. tu as dormi avec noah. tu es dans le lit de noah. mais il n'est plus là. où peut-il bien être ? un regard inquiet à amo qui dort encore à poings fermé suffit à t'alarmer un peu plus. noah est parti. noah est parti. visiblement pas dans la salle de bain de votre chambre. noah est parti... est-ce qu'il va revenir ?

tu tiens presque cinq minutes, à regarder l'horloge tout en te répétant qu'il a dit qu'il ne te laisserait pas. mais il ne revient pas. noah ne revient pas. finalement, malgré ton esprit qui te hurle de le laisser respirer, de lui ficher la paix, tu te lèves, enfile tes chaussures et un gros sweat et pars à sa recherche. il doit bien être là, quelque part. il fait froid. il fait froid, tu tremble comme une feuille d'automne, prête à se déchirer, s'envoler pour atterrir trop loin.

pourtant, après à peine quelques minutes de recherche, tu le vois, là, à quelques mètres. tu sais pas ce qu'il regarde, dehors. sûrement ses propres démons. tu aurais dû le laisser tranquille, le laisser respirer. plus il respire, et plus tu étouffes. les petits nuages de vapeur blanche s'échappent de ta bouche qui tremble, muée dans une grimace d'inquiétude. ça fait du bien, d'être inquiet pour noah. ça fait du bien de te sortir de la tête tes propres problèmes. mais ce n'est probablement pas la bonne approche. et s'il t'en veut, d'être venu l'embêter ? il est parti si discrètement, noah...

♡ tu... tu v-vas prendre froid, noah...