Bout de papier ; Ash

Les traits lui disent quelque chose : les boucles sont identiques, les points s’alignent. Il regarde la main s’agiter. Mais quand avait-il vu cette écriture ? Quand avait-il pu lire quelque chose de similaire ? Holly n’aime pas les longs textes, les fioritures d'écrivains et tout ce qui allait avec. Holly aime les longues narrations des jeux narratifs et des pnj qui lui manquent à présent. Holly doute encore que son camarade sorte d’un visual novel. Holly ne sait vraiment comment identifier la personne assise à côté de lui à présent. Holly les yeux dans le vide, hécatombe dans son esprit. Si seulement il arrivait à se rappeler.

Il avait l’impression de passer son temps dans les salles de classe – rien d’étonnant au final. Il avait l’impression de ne jamais croiser les mêmes personnes : lui non plus, il ne l’avait jamais vu. Holly au premier abord perturbé par une simple beauté androgyne qu’il aurait pensé vermeil – il les voyait encore briller, loin de son tableau blanc remplit d’équation. Holly au premier abord impressionné : le voilà obligé de former un groupe avec de parfaits inconnus. Il avait été soulagé d’apprendre que ceux-ci seraient faits aléatoirement et qu’il était à présent dans un groupe à nombre réduit. Il avait toujours eu horreur de ce genre d’apprentissage cependant. Holly n’avait pas été d’une grande utilité : allant toujours dans le sens des autres, n’osant à peine donner d’idées. Que devaient-ils faire à présent ? Il avait fini par se retrouver seul avec le moins bavard de tous – soulagement. Mais à présent, les voilà côte à côté, il l’autre notait le fruit de leurs recherches.

Et oui, l’écriture aurait pu être celle de quelqu’un d’autre. Holly se rappelaient encore d’écritures sur les murs des toilettes : les élèves avaient décidé d’y laisser leurs plaintes en plus du reste. Holly y avait participé : il n’avait toujours pas accepté la mort de sa belle Gameboy, partie dans les bras d’un autre. Il y avait trouvé d’autres candidats à déprime ; il y avait même trouvé un correspondant avant qu’on se décide à enlever leur seul défouloir. Et oui, encore, l’écriture y ressemblait. Mais comment se décider à engager la conversation ? Comment se décrire comme étant un des petits thugs dégradant auparavant les toilettes ?

Alors Holly avait fait ce qu’il savait mieux faire : attirer l’attention de l’autre comme un gamin de maternelle. Alors, Holly avait tout simplement marqué ce qui avait mis fin à leurs échanges sur un bout de papier : heh vous ne seriez pas gay ? Hey, plus personne n’aime Pokémon à notre âge.

Va savoir si l’autre aurait pu comprendre. Il était trop tard pourtant : Holly avait déjà fait glisser le papier sous les yeux de cet inconnu aux airs familiers.

Ce n’était pas vraiment la réponse qu’Holly attendait. À vrai dire, il aurait pensé que l’autre aurait compris : son écriture est toutefois archaïque, indéchiffrable et cela lui avait servi à ne jamais se faire voler ses notes auparavant. Holly laisse son esprit vagabonder quelques instants sur le bout de papier. L’adversaire est un bon boxeur, paraît-il. Il en a souffle coupé. Comment aurait-il pu écrire cela ?

Il était celui à avoir marqué la première phrase, Holly. Il aurait pensé qu’elle aurait fini ignorée entre toutes celles écrit sur les murs.
Eh monsieur voilà mon 06, oups vous n’avez plus de portable
Entre ça, et les choses obscènes. Entre ça et le défouloir des petits thugs des astrales – à croire qu’on aimait recruter ça ici. Holly avait du mal à se sentir à sa place. Qu’avait-il marqué déjà ?

Non, moi, j’ai écrit :
j’aimerais mourir, donnez moi de la wifi.

Tout simplement. Et cela avait eu quelques réponses à vrai dire : celle de son voisin avait était celle la plus repérable pour Holly. Parce qu’ils avaient échangé quelques points communs et un amour pour ce qui était à présent interdit ici : les jeux vidéo.
Ils leur restaient encore les mangas, certes. Holly n’en était pas si friand que ça, va savoir pourquoi. Il avait du mal à accrocher. Sa Gameboy lui manquait.
Oui, donnez leur le code du wifi.

Pourquoi j’aurais écris le reste

Il n’était pas gay. Enfin, peut-être, pas, la question n’avait jamais été posée. En tout cas, il ne se serait pas servi du mot comme une insulte : pourquoi faire ?

« C’est pas grave. »

C’est tout ce qu’il arrive à articuler, Holly. Le reste se perd en dessous de sa langue, reste bloqué dans le fond de son gosier. Quoi ? À quoi s’attendait-il ? Il n’y avait pas vraiment réfléchi, il se disait que sans doute l’autre serait aussi ravi de lui que de mettre un visage sur les mots. Holly en aurait été heureux, oui, de le compter parmi ses amis. Mais cela faisait un moment qu’il ne pouvait compter que sur sa solitude, Holly. Il y en avait de toutes les couleurs aux astrales, surtout de celles qu’il n’aurait su aimer : il avait trop peur du rouge, de toutes ces couleurs sanguines.

Il retourne doucement à leurs écrits. Style entre ses doigts, il le laisse tourner avec ses pensées. Alors, ce serait tout ? Il se sent mal à l’aise, Holly. Mais qu’aurait-il pu attendre que de deux phrases marquées sur un mur ?

« C’était Ash, c’est ça ? »

Il n’ose pas le regarder, Ash. Il n’ose pas vraiment, non, parce qu’il n’a pas l’air vraiment ravi de faire sa connaissance. Alors, autant retourner à ce qu’il faisait de mieux, Holly : faire semblant. Tout allait bien, il n’était pas gêné, embarrassé ou même déçue. Il n’aurait pu se fondre dans la masse, plus besoin de penser à des références que personne n’aurait compris de toute façon. Et ce nom entendu à l’appel de leur groupe, il l’aimait bien. Sans doute, on n’aurait pas retenu le sien.

Il penche la tête, la pose sur sa main. Que pourrait-il écrire dans son rapport ? Mauvaise journée, ton pote ne t’aime vraiment pas. Alors il mordille le bout de son stylo. À ça près que forcément, il finirait par en goûter l’encre : on est tous passé par là. Il ne dit rien, Holly, se contente de souffrir en silence en regrettant ses actes. Puis dans une dernière pensée, il souffle :

« Ouai, il était vraiment con, l’autre idiot. »

Il ne sait pas vraiment quoi dire de plus.

Il laisse glisser un sourire. Il l’avait déjà entendu cette rime-là, pas de très bonnes occasions parfois. Aujourd’hui, cela était sans doute différent. Aujourd’hui, oui, cela réussissait à lui décrocher quelques étoiles.

« Oui, ça doit être nul. »

Il a sans doute du mal à reprendre son souffle. Sans doute, enfin, trouverait-il quelqu’un à qui parler sans avoir peur que quelque chose ne brise ce qui a été construit. Ou sans même qu’on ne juge la moindre de ses paroles. Holly devait toutefois réussit à construire son discours, devait toutefois réussir à passer outre la barrière qu’il s’était lui-même construite, va savoir pourquoi.

« Leur vie doit être un peu… comme la nôtre actuellement. »

Il dépose encore quelques notes sur le papier : ils avaient un devoir à rendre après tout. Holly aurait aimé au mieux se rentre utile : les devoirs de groupes, il n’avait jamais aimé cela. Cela se finissait toujours en guerre intérieur : le sentiment d’avoir fait plus que d’autres, le sentiment de ne pas en avoir fait assez. Autant donner ce qu’il pouvait et voir ensuite ce qu’on avait édifié ; en ce moment sans doute plus que quelques tags dans des toilettes même si tout cela était la base de leur tête-à-tête.

« J’aurais aimé que les thugs qui écrivent dans les toilettes soit assez courageux pour faire passer en douce des jeux-vidéo. »

Mais ils avaient sans doute d’autres priorités : faire des feu dans la forêt, dévaliser la cantine, draguer les demoiselles à la recrée. Tout ce dont Holly n’aurait été capable. Il soupire, alors. Il pense encore à sa Gameboy prise à l’entrée. Elle n’aurait permis de tuer personne – mis à part des adversaires virtuels. Pourquoi enlever tout cela à des élèves en internat ? Il n’avait jamais entendu ce genre de règlement.

« On aurait pu en faire un commerce. »

Il imagine la chose quelques minutes.
Si seulement.

Oui, c’était ennuyeux. Étais-ce parce qu’il ne comprenait pas les discussions de ses autres camarades ou parce qu’il était vraiment accro à son petit bidule à piles ? Il aurait pu certes trouver d’autres sujets de conversation : abominable comme George c’était fringué ce matin, vraiment inadmissible ce que Jennifer avait fait à Valérie… Mais Holly n’arrivait pas vraiment à s’y intéresser ni en voir l’intérêt.

« Ennuyeux, c’est le mot. »

Il confirme avant même de donner sa véritable réponse : ses pensées s’emmêlent encore, joli manège effectué par ses méninges. Qu’aurait-il pris Holly ? À vrai dire, tout. Certains moments, les vieux RPG lui manquait, d’autres, il aurait voulu retourner au pixel. Quelques fois encore, il se demandait si sa ville virtuelle s’en sortait, si les herbes n’avaient pas trop poussées – les seules qu’il aurait voulu toucher.

« J’sais pas… »

Il y réfléchit encore. Qu’est-ce qu’il aurait pris ? Sa Gameboy, ça, il ne pouvait en être plus sûr. Elle mourrait bientôt de son vieil âge : au fond, il n’aurait pas vu sa mort. Il aimait bien les vieux jeux, Holly, sans doute parce que c’était ses anciens amis : ceux qui l’avaient accompagné pendant sa mort cérébrale et tant d’autre tandis que son corps luttait encore avec la vie.

« Tu arriverais à choisir toi ? »

Parce que c’était sans doute la chose la plus difficile à demander à un joueur en manque ou simplement à Holly qui n’était qu’indécis. Ash en avait de la chance. Holly n’avait jamais rien su lister de sa vie : en témoignait les notes prises et à présent sous le coude d'Ash : désordonnée, passable mais illisibles. Il se serait sans doute plus appliqué s’il s’agissait de Darwin à la correction : le fait même de prononcer son nom lui laissait de mauvaises souvenirs. Il préférait se concentrer sur cette maudite liste plutôt que sur cette maudite personne.

« En fait, je ne pense pas vraiment avoir d’amis ici, alors. »

Mais ce n’était pas comme s’ils allaient devoir s’entretuer ou mourir ici après tout, si ? Il a sans doute honte d’avouer cela, Holly. Alors, il laisse une pause comme pour marquer la blessure. Sans doute ne s’en serait-il pas vanté devant n’importe qui : il connaît très bien la chute que cela lui rapporterais. Mais pourquoi Ash exploiterait de telles faiblesses quand ils savaient des choses embarrassantes l’un sur l’autre – et comme le savait tous ceux qui prenaient la peine de lire les tags aux toilettes.

« Après, je suis sans doute extrême, mais est-ce qu’il faudrait choisir ? »

C’est sans doute négociable ce genre d’accident. Son père lui disait toujours que s’il se faisait agresser, il devrait gagner du temps en parlant à la personne responsable des faits. Cela lui servait de temps en temps : les racailles de son ancien établissement le laissait en paix lorsqu’il rigolait à leurs menaces.

« C’est comme l’histoire tu train tu connais ? »

Il s’en souvenait vaguement du débat qui avait enflammé la toile : dévier le train sur une grand-mère ou sur un groupe de personne, cela devait être la chose. Holly n’aimait vraiment penser à la situation si elle ne se déroulait pas devant ses yeux : il avait encore du mal à se décider sur le plat à choisir à la cantine alors décider des vies des autres, très peu pour lui. Et en plus du reste, il lui faudrait sans doute de longues heures de réflexion : peut-être finirait-il par choisir lequel de ses amis sauver cette nuit, au plein milieu d’un rêve. Et comment pourrait-il en informer Ash ? Il ne pourrait pas : portable confisqué. Il soupira à cette pensée.

« Je crois que je suis trop indécis pour ce genre de débat, désolé. Mais tu sauverais qui ? »

C’est un peu comme si toute la misère du monde avait été enlevée de par-dessus ses épaules à Holly. Il savait que tout cela était faux : après tout, sans doute, autrui en avait plus que lui, de la misère et des poussières sur le dos.. Mais cela n’empêche pas qu’il se serait sans doute levé de sa chaise pour célébrer sa victoire s’il s’était écouté

« C’est vrai ?  »

Ce qui sort de sa bouche est pourtant un simple son, frêle, étouffé par la joie continue dans le fond de sa gorge.

« Bien sûr que je veux ? »

Après tout, ils avaient échangé des dizaines des messages sur le mur des toilettes : quoi de mieux pour gagner des points d’affections ? S’ils avaient gardé leurs portables sans doute auraient-ils pu échanger leurs numéros et finir par jouer ensemble à n’importe quel jeu vidéo multijoueur.
Mais ils n’avaient rien de tout cela à présent.

« Même si je risque de parler de jeu vidéo et de nous tuer de nostalgie ?  »

Comme si tout à présent était du retro gaming : attention Nintendo vous êtes du siècle dernier.

« Même si je suis un peu…. Gênant ?  »

Au moins, ils auraient tenté.

Il le regarde toujours dans cette hilarité soudaine : il a du mal à s’en défaire. On lui annonce tout de fois à l’oreillette qu’il ferait mieux de se concentrer : ils ne sont pas venus là pour faire connaissance – bien que cela aide à la chose – mais pour travailler. Holly se demande encore ce qui se passerait s’il ramenait la moyenne. Il en avait l’habitude, certes, mais à présent une autre personne l’attendait de pied ferme si cela se reproduisait, trop souvent. Il se laissa le temps d’en frémir avant de prendre quelques notes pour Ash de son côté du mieux qu’il le pouvait, du plus vite qu’il le pouvait.

« Attends, je peux aider un peu. »

Il n’était certes pas le plus studieux, mais ses talents pour le strict minimum l’auraient rendu génie s’il y avait mis du sien : ce qu’il faisait actuellement. Holly ne raflait que les bonnes notes en travaux de groupe – on disait que c’était parce que les autres avaient fait le travail, mais il s’agissait sans doute de son envie de plaire aux personnes de son groupe. D’ailleurs où étaient passés les autres ?

« Je ne sais pas, il y a les clubs. »

Mais Holly n’aime pas les clubs, encore moi le sien.

« Je te proposerais bien de venir, mais… Je ne sais pas vraiment si tu aimes le jardinage et tout ça. »

Et lui, il n’aimait pas ça. Enfin, il aurait sans doute aimé s’occuper des plantes, juste des plantes, sans les bestioles qui allaient avec, la chaleur et tout le reste : sans parler de certains autres trucs immondes qu’on prouvait trouver dans le jardin, ou dans la nature tout simplement.

« Mais tu pourrais venir t’y balader ? »