360 no-scope • Orestes.

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« Çetin, allez faire rebondir ça ailleurs si ça vous amuse tant. C’est vous qui payez les reparations du plafond peut être ? »

Les accents exaspérés renvoyés sur les murs font résonner son nom dans un écho chaotique. Son etiquette résonne dans le couloir (ou bien est-ce dans sa tête) comme mille voix; pauvre coryphée malhabile et dépassé par son choeur sauvage qui reprend ce patronyme dans une eulogie comique.

ÇETIN, ÇETIN, ÇETIN, ÇETIN, ÇETIN.

il connait ce chant usé, cette apostrophe pleine de fiel qui poisse dans la bouche des adultes, cette façon de dire son nom comme s’il était une plaie d’Egypte.
Mais Ismael hausse les épaules, redresse le dos et s’en va dans un rire grave qui vient rejoindre les échos du couloirs et chanter avec son nom.
On ne fait pas de bruit sans lui.
Il a le sac remplis de trésors de jaune outrancier à l’odeur signifiante de plastique, rond comme des soleils. Il avait volé quelques gallons de balles au club de sport, mais chut. chut pas un mot. Pour quelle raison avait-il commis ce larcin? il n’en sait fichtres rien, mais il cède au plus petit des hubris, à la plus douce vague des passions.

tum tum tum

Ah vraiment quel doux son régulier

Boing boing boing

quelle agréable mélodie que le son du rebond d’un corps plastique
(il se demande si son corps aurait rebondit ainsi lors de la chute, eut-il été fait de plastic. Oh, l’image est tordante.)

pof pof pof

Un instant sur le parquet, puis sur le mur, puis dans ses mains.

Il s’interroge alors (les phalanges enserrant la balle comme des serres de rapace) : qui s’est donné le droit de decider des lettres à placer sur le son si distinct du rebond d’une balle ? Qui se fit le chef des boings, des pifs, et des pafs, enfin des onomatopés divers et drôles qu’on peut lire dans les marges des livres dessinés que l’on aime au temps de l’enfance.
Et si à Bim je préfère bam ? Quelle idée saugrenue.
Alors ça le fait rire à nouveau. Car il est deux ceux qui se déchirent de rire sans raison.

Il se jette contre l’encadrure de la fenêtre, méfait en main. Le vent lui souffle un peu au visage, sous lui c’est le vide.
Toujours aussi fascinant et beau.
Il a l’oeil câlin en regardant le sol qui n’est pas encore foulé par beaucoup de pas.
Ici c’est la fenêtre du troisième étage.
La brise des hauteurs souffle un peu plus fort, gerce ses lèvres mauvaises retroussées dans un sourire.
La chute l’attire
Le vide l’appel toujours
pour cette grande inspiration de vent et d’adrénaline.
Comme un corps mécanique il déplie son bras par la fenêtre, balle dans la paume de sa main, chahutant maintenant au dessus du vide.

Peut être que la force de la chute, d’ici, suffirait à briser une fenêtre ?
Il aime le bruit du verre brisé
et les feux-d’artifices clinquants de cristal.
ahahahahahahahahahahahahahahaha
ils le font mourir de rire.

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est-ce la faute de tes passagers indigestes si tu penches

il est toujours maladroit orestes quand il veut faire rire, et qu'il s'agite, avec ses bras et ses lèvres - mon dieu qu'il est imbuvable dans ces moments où il décide d'être comique, de mimer ces gens qu'on voit dans les écrans - étrangement ça passe bien moins, les petites remarques en plein cours.
alors comme d'habitude, il s'est perdu dans l'immensité des bâtiments. peut-être dans l'idée d'apercevoir jay, peut-être dans l'idée de disparaître des ombres connues au moins un temps et venir cueillir de nouvelles fleurs ; alors oui, peut-être que c'est volontaire inconsciemment de parcourir ces couloirs pour en étaler sa sève de vie.

c'est vide.

c'est une heure où presque tout le monde a cours, ou sinon personne n'a en idée de venir se perdre ici, perchés plus près du ciel, aux étages d'un bâtiment d'êtres poètes et maudits. qu'il les aime, orestes, ces artistes ! bien loin de son idéal de simplicité qu'il réserve à lui même. il ne s'en pense pas capable après tout, de produire des notes de couleur comme eux.

pendant son égarement il le croise là, penché, se donnant au vide ; un monstre d’insouciance qu'il ne connaît pas. il aimerait lui aussi ! mais il a peur, il a peur et il a le vertige alors - waouh !
il éclate de rire, ça lui fait tout bizarre. on dirait que l'élève en face de lui est ivre. ça fait cet effet là, un simulacre de liberté ?
m-m-mais tu fais qu-quoi ?
il ne le connaît pas mais dans la surprise orestes a la familiarité des nouveaux amis - il ne craint personne et envie cette euphorie qu'il a deviné. il glisse ses doigts dans son jean trop grand et se sent bien misérable avec ses lacets défaits de ses converses usées, presque trouées. il aimerait lui aussi avoir des relents rebelles pour le guider sur un chemin tout à fait différent. recouvrir son coeur de belles fleurs sauvages et dégager son ciel un peu gris.
oui il veut toucher ismael du bout des doigts mais pousse au contraire la fenêtre d'à côté, esquissant timidement une œillade vers le bas, sans y mettre son corps à l'horizontale. il aurait bien trop peur de perdre la vie ; ses ailes d'icare n'ont pas encore poussé.

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Est-ce l’ivresse du pouvoir qui lui allège la tête ?
Ou la beauté du calme avant la chute certaine ? Ce moment liminaire où le temps n’est plus, qui passe aussi vite qu’il est lent.
De toute façon ce n’est qu’une balle. Point de meurtre ou de douleur.
Peut être même reviendrait elle jusqu’à ses mains dans un grand rebonds.

Une exclamation à ses côtés le rappelle à l’ordre, un passant perdu ou un professeur venant encore le sermonner peut être ? Il hausse un sourcil exaspéré qu’on le coupe dans sa jubilation folle. Il tourne la tête s’appuyant contre la fenêtre, chacun dans son encadrure, comme deux tableaux vivants se jaugeant.
La voix est malhabile et grotesque; douce comme une cloche, chevrotante comme un grelot qu’on malmène. Elle a des accents ridicules de douceurs et d’incertitude, l’inconstance de ceux qui parlent pour qu’on ne les entendent pas.

« Je suis pas convaincu que la gravité existe alors je fais un test. » Il s’arrache de la contemplation du vide, mains sur les hanches et se penche au dessus du plus jeune « Mais peut être qu’une balle c’est pas suffisant… il faudrait quelque chose de plus lourd….. »

Il a le visage froid et le rictus mauvais, mais ce masque vénitien aux attributs méchants ne lui va guère. Il refuse de rester collé à son visage, plutôt comme le sable humide il se désagrège et tombe en morceaux à ses pieds.
Et les craquelures se fendent encore plus sous le coup d’un sourire.
Et à nouveau ses épaules sont ravagées de spasmes.
Ismael n’a pas le rire grave
Il a l’hilarité teintée des accents de la malice, le ricanement haut perché et nasillard d’une hyène

« ahahah, non je rigole t’en fait pas. » Il lui fourgue la balle entre les mains et le regarde, penchant la tête, comme si l’angle inhumain pouvait lui en apprendre plus sur le personnage.
La face juvenile et les yeux fuyants, les habits trop grands comme des sacs qui pendent contre les chairs et les os d’oisillon.
Il ravale une boule dans sa gorge, parce que l’image renvoyée n’est plus celle d’un garçon blond qu’il vient juste de connaitre, mais une autre qui vient se superposer à celle-ci, des traits familier et fraternels qui ont cette même émotion timide ancrée dans les plis de la peau, ou coin de la bouche dans l’esquisse des sourires rigides de nerfs.
Il secoue la tête comme pour chasser les images miroirs, il n’a pas le temps de sombrer aux affres du manque
Dans son sac, il trouve une autre balle et repend sa position initiale, comme une invitation.

« Voyons, quelle balle touche le sol en premier ? »

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est-ce la faute de tes passagers indigestes si tu penches

c'est une petite crainte qui naît là dans son coeur, ça bat plus vite et il ne sait pas quoi dire ; naïf il est, et ne connaît pas encore les plaisirs d'adrénaline des hors-la-loi. pour ainsi dire, il les craint. il ne connaît pas le danger et le vent qui souffle très fort dans les oreilles, et toutes les conséquences d'avoir le souffle coupé plus de raison. orestes écarquille grand les yeux, et il a un mouvement faible de recul, comme un enfant qu'on menace de dévorer - oui orestes a toutes les caractéristiques du petit chaperon rouge que le chasseur doit sauver. il peut se faire manger tout cru sans même qu'il ait le temps d'émettre une résistance quelconque.

mais il est bien vite surpris par le rire haut, pas vraiment vilain qui concède que tout cela n'était qu'une vaste blague. le rouge lui monte aux joues, on ne badine pas avec les idiots sentimentaux comme lui ; ils se prennent trop vite au jeu. c'en est presque injuste une telle faculté à tout gober sans réussir à démêler les nuances.
m-mais- il n'a pas le temps de rétorquer qu'il a déjà la balle entre ses mains blanches de crime, qui tâtent et tournent avec un intérêt certain l'arme qui servira à leur crime adolescent. il analyse avec beaucoup d'attention l'objet et se persuade lui-même qu'ainsi il pourra en tirer une grande conclusion, quelque chose d'incroyable - mais non la réalité est qu'il veut fuir encore un peu le moment où il faudra la lancer. il n'ose pas et regarde son nouveau compère, quelqu'un qu'il a déjà aperçu pour sûr non loin de jay, de son groupe d'étude il en est sûr - et il se dit que oui, c'est peut-être pas plus mal de se rapprocher de sa lumière par le biais d'un autre enfant terrible.

pour autant, il n'ose toujours pas.
il se penche aussi mais ne se résout pas à la lancer, interrogeant son nouveau tuteur d'un instant. t-t-u es sûr qu'on-qu'on peut ?
il a besoin d'une approbation orale pour chasser toutes ses craintes.

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