two bros chilling in a classroom ft darwin ? mince

les topaze, c'est quand même un bon petit tas de premiers de la classe. non pas tous, rangez vos armes, mais il faut reconnaître que ce n'est quand même pas les plus turbulents qu'on puisse trouver et certainement pas le bâtiment que Bic part patrouiller lorsqu'il a un peu de temps libre sur les bras. en partie car il ressent le besoin physique et moral de ne pas s'éloigner de Nuni pour éviter tout accident et peut être aussi car il l'aime bien, ce gosse en vermeil, et en partie car il sait que les plus proches de la fameuse élite que le gouvernement a vendue se trouve dans ce bâtiment là, quelque part. Même ce sale gosse d'Heisenburg joue au petit rebelle mais ne peut cacher les bonnes notes sur ses bulletins passés.

mais pour une fois, on voit le surveillant traverser les couloirs après les cours de l'après midi, jetant quelques regards sur les élèves qui sortent avec plus ou moins d'entrain des salles de classe. il a surtout les yeux collés sur les fenêtres, même s'il a droit de sortir du domaine gardé du pensionnat cette impression d'être enfermé le prend quand même parfois à la gorge. il ne sait pas s'il est bien plus libre à son vrai travail dans un bureau gris où la vue n'offre qu'un ciel tristement vide et beaucoup de béton. mais est-ce qu'il profitera encore des arbres et de la forêt des astrales une fois que tout le monde aura un pistolet à sa ceinture et une dague cachée dans le dos ?

bon, franchement, il a pas envie de faire son travail ce soir, alors il abandonne même ses tentatives de donner le change et s'adosse contre une fenêtre et jette quelques regards sombres aux élèves qui le dévisagent quand il s'allume une cigarette. c'est le seul avantage de ces vieux immeubles décrépis : il n'y a pas des détecteurs de fumée partout donc tant qu'on ne tombe pas sur quelqu'un de trop consciencieux ou accroché à ses principes... y'a moyen de moyenner.

mais il ne faut pas parler de malheur, car en voila un, d'adulte, même si ce n'est sûrement pas le plus moral de tous, bien pire que lui. Bic ne le connait pas depuis longtemps mais il sent déjà au fond de ses tripes qu'ils ne s'entendront jamais. ce mépris qu'il affiche en le cachant à peine c'est seulement la cerise sur le gâteau périmé qu'est sa personnalité. et ce charmant Monsieur Garcia se permet même de marcher vers lui et de... attendez une minute, il marche vers lui en fait.

un poing dans la poche aussi serré que ses dents, les sourcils froncés, l'air de celui qui a envie de s'en aller en courant mais n'oserait jamais le faire avec un tel public car il n'a vraiment pas envie qu'on le voit boiter aujourd'hui.

* ouais ?

c'est parfait. vu la gueule qu'il est en train de tirer et le ton agressif à peine caché, il se dit que l'autre finira bien par déguerpir rapidement. casse toi, laisse moi en griller une en paix en faisant semblant de travailler, s'il te plait...

Bic ne fait semblant de rien, ce soir là. trop fatigué, ou peut être qu'il a un peu envie de se défouler et de dépenser l'énergie qu'il accumule sans jamais pouvoir vraiment s'en débarrasser. tout le monde est tendu en permanence ici, et Owen n'est nulle part dans les parages pour l'insulter ou lui montrer des photos rigolotes qu'il a vu sur internet, alors il ne reste que Darwin et sa propre sale gueule.

obligé de lever les yeux pour l'assassiner du regard, quelle humiliation. rien que ça, ça lui crispe la mâchoires au point d'entendre ses dents grincer. il n'arrive pas à jouer le jeu, à offrir un sourire comme il peut le faire à d'autres qu'il n'apprécie pas plus, non, il y a quelque chose d'instinctif, de viscéral qui le tend dès que Darwin Garcia entre dans son champ de vision.

sa seule victoire ? voir que ça marche, voir que l'autre est au moins aussi énervé que lui et que sa présence l'insupporte tout autant. c'est mesquin, me direz vous, c'est vraiment une technique de frustré, de juste se résigner à faire chier l'autre plus qu'il ne nous embête, plutôt que d'être un adulte responsable qui décide de faire son travail sans plus. oui, mais le surveillant n'a jamais demandé à personne d'être surveillant. il n'a jamais demandé à personne d'être derrière un bureau. il n'a jamais demandé à personne d'être démobilisé de force. alors il se raccroche à ce qu'il peut, et tant pis si c'est simplement en rabaissant ses collègues. la bienveillance, l'amélioration de soi... ça attendra une autre vie.

la T-01 ? il a appris les dossiers des élèves et leur groupe et les connait presque par coeur, mais ça ne veut pas dire qu'il est obligé de se dépêcher. il lève les yeux au ciel, fait semblant de réfléchir, reprend une bouffée de tabac qu'il recrache dans le visage du professeur avec un air à peine plus agréable. il faut bien se faire respecter comme on peut, voyez vous, surtout lorsque l'on n'est vu que comme un simple pion par le genre de gars qui aiment bien regarder les autres de haut.

* pourquoi tu veux savoir ça ? il pourrait avoir un air moqueur, un sourire narquois, mais non, il se contente de le fixer sans ciller comme deux chats de gouttières. t'arrives pas à te faire respecter ?

c'est quand même sacrément gonflé, de raconter ça, monsieur le tuteur qui perd la trace de l'enfant qu'il doit surveiller trois minutes après l'avoir amené ici.

* tu viens pour des conseils ?

c'est même carrément abusé, Bic, d'oser dire une chose pareille alors que tu paniques à chaque seconde passée à côté de Nuni. il veut des crayons de couleur ? branle bas de combat. il pleurniche car ses foutus rongeurs lui manque ? on passe en alerte niveau 5, code rouge, préparez vous au pire. et il ne peut que s'inquiéter, paniquer, et tenter maladroitement de le réconforter ou de ne pas dire trop de gros mots.

abuse pas trop, Bic.

deux chats de gouttières qui se toisent, chacun de son côté de trottoir. si l'un d'eux était plus fort, il s'imposerait, l'autre serait obligé de reculer, de céder sa place, mais Bic et Darwin... ce sont les deux sales mêmes bestioles. alors aucun n'ouvre directement les hostilités en espérant que l'autre décide d'aller voir ailleurs.

le surveillant le déteste, de A à Z, de sa sale gueule à ce rire insupportable. il est content de voir que l'autre se fout en rogne par sa faute, mais c'est réciproque et il s'énerve aussi de plus en plus, à chaque seconde passée à moins de deux mètres du professeur. tellement persuadé que ce n'est probablement qu'un con, il ne croit même pas à ce qu'il peut bien lui raconter, convaincu qu'il a juste trouvé un moyen de l'emmerder et qu'il ne veut simplement pas que la mauvaise réputation éventuelle de ses élèves lui retombe sur le coin du nez.

mais lui n'arrive pas à sourire. il n'arrive pas à blaguer, même en se moquant, il ne peut que montrer les crocs et serrer les poings en essayant de ne pas trop penser à l'arme qui pèse au fond de la poche de sa veste. est-ce qu'il se ferait vraiment virer s'il succombait à la tentation, juste une fois ?

car après tout, il ne fait que se défendre, voyons, il défend son ego et sa fierté violemment attaqués par ce sauvage. il envisage déjà les rapports couverts de "légitime défense, je vous jure". c'est quand même sacrément gonflé, selon lui, d'oser se ramener devant sa personne et de réclamer un rapport. pour qui est-ce qu'il le prend ? pour un gratte-papiers ? il ne se farcit pas des rapports tous les soirs pour ses supérieurs pour devoir en faire des supplémentaires pour des collègues. est-ce que ce pauvre type se croit vraiment aussi de lui ?

* et c'est compliqué, pour toi, la politesse ? j'dis pas que je te ferai un beau petit rapport avec des illustrations pour autant mais ça pourrait aider, tu crois pas ?

quel con. ça, il ne le dit pas à voix haute, probablement car il n'ose pas tout à fait franchir la ligne qui se dessine entre eux deux. une dernière bouffée de cigarette avant de jeter le mégot par la fenêtre, rien de suffisant pour supporter la joute qui s'annonce.

* que je sache, y'a pas ton nom sur mes fiches de paie ?

Bic jette des regards aux alentours, se demande s'il n'a pas moyen de partir et de le planter là, mais sa carrure proche, trop proche à son goût, le bloque. ça part mal, cette affaire.

pour qui il se prend. non, vraiment, pour qui il se prend, ce con ? ça l'énerve, Bic, ça fait gronder la colère qu'il garde au fond de lui. elle se rapproche dangereusement de la surface, lui chuchote au creux de l'oreille qu'il n'a pas besoin de se retenir autant, qu'il pourrait tout simplement régler ça, là,
vite fait bien fait.

mais les leçons si souvent répétées et apprises à coup de poings restent gravées dans son crâne. ne pas s'engager dans quelque chose que l'on ne peut pas gagner, jamais. évaluer le danger, prendre des chemins détournés s'il le faut. sa mission va encore durer longtemps, est-ce qu'il a vraiment envie maintenant de s'en prendre à quelqu'un de plus grand et probablement en meilleure santé que lui ? oui, il en a envie, tellement envie... mais sa raison refuse, le bride, comme un cavalier qui arrache la bouche de sa monture en tirant sur le mors de toute ses forces.

il n'a le droit qu'à ses mots et ses insultes, sur ce champ de bataille là.

un chien enragé mais si bien dressé qu'il écoute encore son maître malgré l'écume qui s'échappe de ses lèvres,
malgré la rage,
qui se contente de grogner.

la seule maigre consolation qu'on lui offre, une simple tape sur les flancs brûlants : la sale gueule que lui tire Darwin Garcia en retour, à l'image de la sienne. faible, bien faible récompense pour autant de zèle, car la voila déjà déformée en un sourire qu'il hait. s'il a de quoi sourire, l'autre, c'est que lui a de sérieuses raisons de se méfier.

et le prochain coup est plutôt vache, effectivement. jouer sur son sens du devoir et son professionnalisme, tourner ses exigences en un simple caprice, bien sûr que ça froisse le surveillant encore plus. son égo déjà piétiné continue de se tordre sous les injures à peine masquées et pleinement assumées.

* qu'est-ce que tu sais de mes fonctions ? il n'y arrive pas, il n'arrive toujours pas à sourire pour se moquer de l'autre, trop étouffé par la colère. dans le contrat y'avait rien sur le fait de te lécher, que je sache, et encore moins sur le fait de te rendre des comptes, collègue. le bien des élèves dépend certainement pas des heures de colles que je peux leur foutre au cul.

ça aurait pu être réglé si simplement. Bonjour, puis-je m'enquérir du comportement de mes élèves hors de mes cours ? Tout à fait, laissez moi réfléchir, ils sont plutôt sages, vous savez, même si je me méfierai du petit Vesper,
si facile.

même avec la première phrase, qui n'augurait rien de bon, ça aurait pu être désamorcé si simplement. Oui, écoute, c'est pas des cancres et je les vois pas trop déconner dans les couloirs, la p'tite Salacia est même bien sympa.

mais non, il a fallu que ce soit Darwin qui vienne. il a fallu que ce soit à Bic qu'il demande, qu'il lui demande de cette façon et que l'autre le prenne mal. c'est presque instinctif, à ce niveau.