à cracher du soufre et des trombes de déni (achilles)

il aimerait que la colère soit vive, qu'elle le terrasse une bonne fois pour toute ; qu'il puisse l'expier d'un coup de pied et que tout soit fini.
il ne veut plus entendre cette question, il ne veut plus qu'on entache sa tranquillité durement acquise ainsi. à son second lycée, ce fut difficile d'expliquer qu'il était un rescapé du courroux et qu'il n'était question qu'en enchaînement d'événements. de fâcheuses circonstances. tout fut bien vite oublié.

mais ici, ici ! c'est un nid de vipères et le poison s'immisce millimètre par millimètre dans ses veines, il va finir par étouffer et se laisser crever. ça le prend peu à peu, et l'empêche de posséder sa rage en son entièreté. dire qu'il s'est efforcé de ne frapper personne ! il s'arrête toujours avant.
personne n'oublie, ici. on lui rappellera encore et encore qu'ah oui - c'est vrai, c'est lui qui s'est fait virer. il y en a d'autres mais cette fois-ci le sang a giclé. que c'est excitant. une cible facile, goguenarde et facilement irascible.
personne ne cite le nom du colporteur et il a un instinct touchant qui ne le fait douter de yishai que quelques instants. il sait, du plus profond de son coeur, que ce ne peut être lui.
cette hargne a causé bien des problèmes chez les rosenstrauss et son frère connaît bien trop l'ampleur de cette douleur, de cette plaie toujours béante pour tenter quoique ce soit. du moins il croit et espère.

alors qui ?

étrangement il se dit que ce n'est pas possible et que ce ne peut être loup non plus, car lui aussi l'a connu dans une intimité excessive, et peut, encore une fois, se douter d'à quel point ça peut l'assommer ce genre de rumeurs.

tout ça, tout ça parti en poussières. allongé sur son lit, il feuillette rageusement le songe d'une nuit d'été, et ne croit pas en l'amour conté. il n'arrive pas à se concentrer, il n'arrive pas à atteindre l'apogée de son immersion habituelle, si facilement accessible. même quand loup est là. surtout quand loup est là - la fuite entre les mots est la plus simple des issues alors il s'est assuré qu'elle serait tout le temps accessible dans son crâne.

mais le voilà le fier, l'angelot, le loup qui veut l'attention de la bergère. son regard frappe l'autre, toujours de jais mais l'éclat s'est rallumé. il a une tumeur dans le coeur. il écoute et serre les dents. son ancien ami se la joue théâtrale, avec des grandes répliques. achilles contracte douloureusement ses doigts autour du livre, sans lâcher du regard la bête.
ils sont en tous points différents, c'est bien pour cela qu'ils ne peuvent et ne pourront sûrement jamais s'oublier. c'est toi qui as fait ça ? qui leur a dit hein ? pourquoi ? pourquoi à lui qui ne veut plus rien lui donner à loup.