" fr e sh avoca d o " avec Ismael aLLEZ met ton short !

une, deux, une deux, du nerf ! Daim est en forme le matin. depuis toujours, il se souvient de son oncle qui le réveillait à l'aube pour lui faire faire des pompes ou pour l'envoyer courir tout autour du potager chaque matin avant l'école. les grasses matinées, ça n'existe pas, chez eux. juste une grosse voix qui parle de plus en plus fort et de plus en plus près de son oreille en lui demandant s'il ne serait pas un peu une taffiole sur les bords ? nan mais parce qu'il serait peut être temps de se lever avant qu'il ne soit 6 heures, tu crois pas ?

... douze... treize....

ça ne l'a jamais gêné, au contraire, il s'est toujours senti motivé, car il est sûr que cela venait de bonnes intentions. le réveil, ce genre d'instant où l'on est à mi chemin entre le sommeil et l'éveil, des instants perdus dans une torpeur qu'on arrive à peine à éliminer en se douchant... que de temps perdu ! être dynamique, c'est la solution, tant pis pour les courbatures, pour les cernes, tant pis pour tout.

... vingt-trois... vingt-quatre...

le jeune adulte continue sa série d'abdominaux dans sa chambre, sur le sol, juste à côté de son lit. les volets sont seulement entrouverts de peur d'entendre un de ses colocataires râler pour toute la semaine, ses yeux s'habituent doucement aux rayons qui parviennent à s'immiscer dans la chambre encore vide, à peine remplie par sa respiration brusque et quelques mots d'encouragements à peine chuchotés dans sa langue natale.

... trente et un... trente deux...

il se relève, content de lui, et n'attend pas de reprendre son souffle pour remettre son jogging de la veille, un t shirt abandonné sur une des étagères qu'on lui a attribué, il est déjà prêt. quelques étirements plus tard, comme à son habitude, il s'avance doucement vers un des deux autres lits de la chambre, à croire qu'il ne prend conscience du bruit qu'il fait seulement maintenant. il s'accroupit juste à côté et sa main s'avance lentement vers la forme qui semble encore endormie sous les draps. elle se pose sur une épaule et secoue le corps de son colocataire avec précaution et plus de douceur que ça à quoi on pourrait s'attendre en voyant sa carrure.

* ... hey, Ismael, il chuchote, tu dors ?

il sourit, Daim. est-ce qu'il est au courant que sa question est idiote ? il s'en fiche, il sentirait presque les endorphines parcourir ses vaisseaux sanguins après sa séance matinale d'abdominaux. il garde sa main au même endroit, ferme mais délicate.

* dis, tu veux venir courir avec moi ? son enthousiasme dégouline dans ses mots hachés par son accent. allez, s'teuplait...

... est-ce que c'est juste de l'entrain, Daim, tu es sûr ? il garde sa main sur son épaule, chuchote encore quelques s'il te plait, sans montrer aucune envie de bouger. est-ce que ce matin encore il n'aura que la rosée et les oiseaux matinaux pour lui tenir compagnie ? ... il ne dit plus rien mais ses doigts semblent vissés à l'épaule de son ami.

Playlist

Nullement dérangé par les bruits en périphérie de son lit, Ismael est de ceux qui dorment des sommeils de morts et qui se moquent bien des bruits ambiants.

Il a les léthargies dures comme des pierres. C’est peut aussi pour cela qu’il est bon camarade :
Il laisse à Daim le soin d’appeler le soleil et de remuer les draps.
Dans le silence de la chambre à cette heure, les respirations contrôlées sous l’effort maintes fois répété ont quelque chose de rassurant
et la monotonie d’une berceuse humaine au souffle court et chaud.

On le secoue et peut être qu’il rêve ? ou peut être pas ?
Bienheureux endormis la joue enfoncée dans son oreiller, un filet de bave au coin de la bouche, le bras rejeté dans une posture las, il est perdu dans ces espaces liminaires de conscience ou se confondent les mots et les images. Et la chaleur constante sur son épaule, la prise ferme mais légère le rappèle plus que fortement à la lande du sommeil.

« hhhmmmmmmmmmm ? »

Il déplie son bras comme aveugle tâtonnant vers la source du bruit, jusqu’à ce que sa paume se pause sur une surface chaude. Après quelques secondes d’inspection il lui semble reconnaitre la forme d’un nez et le trait dessiné de sourcils. Ah, ça c’est étrange à trouver sous ses mains de si bon matin.
A contre-coeur il ouvre ses yeux et bats des cils, son regard se fixant d’abord sur les poussières dansant dans le rayon de soleil filtrant déjà par la fenêtre.
Peut être qu’il louche un peu en regardant leur ballet nitescent, mais enfin ses yeux se posent sur le visage familier de Daim

« eeeeeeh ? courir ? » il essuie du revers de sa main la bave qui luit contre sa lèvre. Dans la pénombre il discerne pleinement les yeux de chiot de l’autre garçon, brillant déjà de l’éclat de l’éveil et d’une agitation qui ne demande qu’à jaillir. « o-ooooooooooh-ok » lâche t-il dans un bâillement alors qu’il s’étire sur son matelas, sentant craquer ses os comme les machines usées qu’on remets en marche. Il ne peut rien refuser à Daim et ses mains aussi calleuses que pleines de douceur.
L’innocence sincère de ses traits qui parfois le fait rire tant le tableau qu’il dresse est ridicule et attachant : un visage d’enfant sur un corps de chasseur comme dans les livres d’images. Il y a chez lui l’attendrissant sentiment d’une vieillesse ancrée dans les os et de questions juveniles aux bords des lèvres.
« Laisse moi ...... juste le temps de....... m’habiller » murmure t-il la voix encore basse et sourde de sommeil

Laisse lui le temps;
de frotter le sable au coin de ses yeux,
et malaxer son visage dans un semblant d’humanité.
D’attraper un T-shirt délavé qui traine au pied de son lit, une paire de short
et de jeter sur tous ces oripeaux ridicules une veste qu'il va quérir sur le dos d’une chaise en boitillant. (Les matins sont toujours durs pour les vieilles blessures)

Rien que le mouvement déjà l’éveille, et il sent l’agitation lui picoter les jambes, cette fièvre qui ne le quitte jamais. Il enfonce déjà la porte du couloir comme un diable hors de sa boite, ses baskets nonchalamment jetée aux pieds, les lacets presque pas fais « LE DERNIER À LA PORTE DU HALL FILE SON DESSERT AHAHAH »
Et il s’en va deja dans un grand rire.

à fond la forme. Daim est toujours en forme le matin, toujours. même le dimanche, il fait les mêmes acrobaties quitte à se faire détester par l'ensemble de l'étage. dans le fond, il se dit qu'ils sont un peu sensibles car il pourrait bien faire la même chose en chantant.

heureusement, Ismael est tolérant, terriblement tolérant. il ne s'est jamais fâché lorsqu'il le réveille, il se contente de grogner comme il le fait là. alors la main reste en place, tentant de petites secousses régulières pour éviter qu'il ne se rendorme. il a déjà essayé réveiller l'autre personne qui occupe le dernier lit de la pièce, mais... autant dire que ça ne s'est pas très bien passé. dieu merci, il y a Ismael !

mais il faut lui laisser le temps d'émerger, gentiment. si ça ne tenait qu'à lui, il serait déjà dehors pour profiter le plus possible de l'air frais avant le petit déjeuner et le début des cours. parfois, il saute même le petit déjeuner pour rallonger son temps de promenade, mais il finit par se faire gronder par le professeur, M'sieur Kang, qui lui rappelle qu'il ne fait pas louper le repas le plus important de la journée et qu'il risque de déranger les autres à force de gargouiller comme un pauvre affamé.

la main sur son visage le fait sourire. c'est toujours tout un spectacle, le réveil d'Ismael. lui se tire des draps rapidement pour ne pas souffrir trop de la perte soudaine de la chaleur des couvertures mais l'autre prend son temps, s'étire, baille et ouvre lentement les yeux. Daim recule d'un pas, lui laisse la place et se relève en tapant dans les mains lorsqu'il est sûr que son numéro a marché et qu'il n'ira pas courir seul ce matin.

il ne veut pas le brusquer, il ne veut pas le vexer. et s'il décidait de ne plus jamais l'accompagner ?
il faut faire attention, prendre son temps, s'étirer tranquillement en attendant pour ne pas se refroidir,
il est déjà parti. à toute allure.

* c'est pas juste ! eh, attends !!

bien sûr qu'il ne compte pas lui filer son dessert, mais sa fierté est même en jeu. forcément qu'Ismael sera plus rapide s'il part avant ! c'est injuste !

BANG ! en essayant de le rattraper en détalant à toute vitesse, Daim se cogne contre l'une des portes en prenant un virage un peu trop large dans le couloir. il s'en sort bien en ligne droite ou lorsqu'il faut louvoyer entre les arbres dans les bois, mais les couloirs, c'est moins son élément.

juste avant le hall il parvient à le rattraper assez pour lui mettre une claque sur l'épaule et franchir le seuil en même temps. il s'arrête immédiatement après, essoufflé.

* ha... tu aurais pu prévenir, si on fait une course. ha... t'es même pas échauffé correctement !

Playlist

Ses pieds dans le couloir vide résonnent comme un écho,
comme un tambour matinal qui dans un pas cadencé emmène la liesse et les festivités au son des oreilles endormies.

Il n’a que faire du silence et laisse deja son rire dévaler les escaliers, rebondir dans les coins des murs et dans les aérations. On sonne le clairon hilare quelques instants après l’aube et n'a pas idée des marches qu’il enjambe 4 à 4.
Si bien qu’il ne sait plus vraiment si ses pieds touchent le sol.

A gauche dans un couloir, puis à droite au suivant il voit déjà se dessiner la porte du hall, sa si tendre ligne d’arrivée. Ses lacets lui fouettent encore les chevilles.
Ce n’est pas qu’il cherche particulièrement à gagner: il sait que si Daim ne le dépasse pas il saura le rattraper, cela ne fait aucun doute. Mais il aime le challenge et ces jeux enfantins aux myriades de recompenses pauvres : un dessert, une bille. Tout est un prétexte pour briser les lignes monotones et s’abandonner aux enfantillages.
Il n’est pas surpris de la main lourde qui tombe sur son épaule, si le contact est rude et vif entre son acromion et sa clavicule, presque piquant, il ne l’apprécie que plus.
Parce qu’il aime les ancrages et les picotement des brulures après les coups.

« h-…….h-…… » Le souffle coupés et les poumons se gonflants de plus belle il n’a rien a offrir qu’un grand sourire qui vient déchirer ses joues rougies de l’effort soudain. La respiration courte qui secoue ses épaules et chaude contre ses lèvres et l’arrière de ses mollets tire et vrille de façon plaisante « Ah-….ah-o-ouais…..M-ais C’est plus…h… marrant comme ça H- »

Il sait bien qu’il n’a rien de la forme ou des performances de Daim
Qu’il serait, malgré son énergie sans borne et sa ténacité, un boulet plus qu’autre chose. Pourtant il ne peut s’empêcher de ressentir une chaleur et un sentiment presque euphorique dès qu’il lui propose d’aller courir, ou d’aller faire des pompes. Et qu’importe qu’il soit mauvais si c’est Daim qui le demande c’est que peut être quelque part il cherche sa compagnie.

Il s’agenouille, pour finalement faire ses lacets, et se relève comme un ressort. Parce qu’Ismael, même avec une mauvaise stamina, a de la folie en intraveineuse et des airs de dératé.

« Bon, fiooooou, on fait quoi coach ??? » Lance-t-il en lui rendant la main sur l’épaule, peut être moins assurée et ferme que la sienne. Coach, Il aime bien ce surnom ridicule qui a des accents malicieux : Parce qu’il aime se moquer en douceur quand au lieu de brosser d’un revers de main ses facéties bruyantes Daim pense plutôt à s’inquiéter pour lui. « Où est ce qu’on va ? La forêt ? Les reliefs ? Ou juste des tours de bâtiments. Enfin je te suis ! »
Et deja le sol comme de la lave semble lui brûler la plante des pieds; il ne sait plus sur lequel danser.

ses poumons brûlent, ses jambes demandent un peu de répit et ses bras doivent ses couvrir de bleus après tous les chocs de la course. Daim est heureux. il a du mal à reprendre son souffle mais il ne voudrait pas passer une seule matinée autrement et le grand sourire qu'on lui offre ne fait que confirmer cette sensation. il ne peut que lui renvoyer le même, jamais fâché contre Ismael.

... il lui reconnait quelque chose, il ne recule jamais devant les défis, même lorsqu'ils semblent infaisables. on a inculqué à Daim une certaine forme de ténacité, par la force s'il le fallait, mais rien de semblable. ne t'engage pas dans un combat que tu ne peux pas gagner, bat en retraite et trouve un autre chemin. Ismael, à ses yeux, ne cherche jamais d'autres chemins. il coupe à travers la végétation, s'il le faut, dans les ronces, mais continue d'avancer, tout droit. ça inquiète Daim, parfois, mais ça le fascine, cette force qu'il a en lui qui lui permet de ne jamais s'inquiéter de réussir ou pas et de simplement tracer.

il l'aime bien,
peut être qu'il devrait lui dire merci un jour. merci de continuer de me suivre merci de dire oui merci de ne jamais râler contre moi.

le surnom le fait rire, comment ne pas rire face à quelqu'un d'aussi survolté ? ses sorties matinales sont habituellement silencieuses, ses oreilles tendues vers les bois pour tenter d'entendre quelque chose, quoi que ce soit, un oiseau, un écureuil, allez savoir. mais lorsqu'Ismael débarque à coup de course, de cris et de coach, il est heureux. dans ces moments là, il se dit qu'il irait n'importe où pour Ismael, juste pour continuer d'entendre son rire et ses moqueries amicales.

mais n'importe où... ça n'est pas possible aujourd'hui.

* à moins que tu veuilles un entraînement musclé où on esquive les balles, je suggère de rester sur le domaine. il imagine quelques instants les deux partir se cacher dans les talus. mais si tu comptes arriver à marcher demain, pour l'instant on va nulle part et on s'échauffe.

il commence lui même de s'étirer pour montrer le bon exemple et lui expliquer quoi faire. des rotations des épaules, des chevilles et quelques squat, juste de quoi éviter les courbatures et ne pas se déchirer quelque chose, parsemés de mots d'encouragements et de conseils sur sa posture. ... devoir porter Ismael à l'infirmerie de bonne heure, il a connu mieux, comme façon de commencer une journée.

c'est bien joli, de prendre des précautions et de ne pas se blesser, mais... ça le démange, d'aller courir, et son ami aussi, visiblement. alors il ne tient plus et lui indique du menton un point éloigné des bâtiments où il y a un peu d'herbe au delà du potager.

* on commence tranquille, cette fois, faut tenir sur la longueur, ok ? il essaye de trouver une allure qui conviendrait aux deux, sans piétiner mais sans trop se pousser.

Playlist

« pffffff » soufflé dans une moue, comme un enfantillage « moi j’aimerai bien aller n’importe où. » plus bas, comme au souffleur, comme à l’aparté où on prend le public pour lui susurrer quelque chose que par la magie du théâtre les autres n’entendent pas.

Et c’est bien vrai. Ismael déteste les cages et les espaces fermés comme des prisons. C’est la prison ici. C’est rempli de matons et de détenus inconscients.
Et il irait danser ivre sous les ballets de balles s’il le faut. Sj pour quelques secondes de liberté en plus il devait vendre son âme et son corps, s’il devait ne pas revenir de cette expedition au maquis, cachés entre les feuillages comme un criminel, qu’a cela ne tiennent. Il rêve parfois quand il court; il court à en perdre haleine parce que quelque part il s’échappe. Et jetons au feu les conséquences : on prend peur si on y réfléchit trop.
Parfois le soir dans les rêves et les mauvaises lethargies il songe avec le sourire d’un grand trou dans sa poitrine éclatée et de ses jambes courant encore. Plus léger.
Au bout de l’aube, sous les soleil brûlants il préférerait mille fois roussir sous les feux et les coups que de se terrer le nez au sol.
Il ne sait pas vraiment combien de temps il tiendra ici.
Heureusement il y a Daim. Daim qui l’attend à la rixe les poings de fer parsemés de tendresse, Daim qui le pousse plus loin et plus vite et qui l’use de la meilleur des façons : qui vient crever les abcès d’agitations et de pensées noires qui purulent sous sa peau.
S’il a le corps vide il ne pense plus à tourner en rond. Et le calme brut de Daim, sa vieille innocence éclairée de bon sens est un parfait catalyser pour le chaos dans ses veines.

Il secoue la tête et, pour une fois silencieux (c’est chose rare, Ismael est comme un perroquet babillard toujours perdu entre les mots, les cris et les éclats de rire. On dirait qu’il a peur de laisser des trous entre les mots, de laisser la place au silence) il s’execute comme un bon élève, faisant attention aux conseils et se délectant secrètement des encouragements verbaux ou pas. Parce qu’une tape amicale sur l’épaule et un peu de fierté dans un sourire quand il s’étire enfin comme il faut sont assez de choses pour lui donner envie de pleurer. Il ne le fera pas bien sûr, parce qu’il est trop occupé a contenir l’excitation dans ses jambes. « OK !! »
Il sautille et suit Daim comme ces chiots bien trop content, faisant attention à sa respiration, parce qu’il lui a répété plein de fois : ce n’est pas la peine de s’essouffler comme un idiot pour finir la face au sol.

Ismael tente de se concentrer pour ne pas se perdre, un rare moment où il n’a pas l’impression d’être tiraillé, survolté, ou en colère.
Il pense à sa respiration qui se cale en rythme sur celle de Daim, à leurs pas qui froissent l’herbe au sol et frappent en concert dans les graviers.
au soleil hyalin du matin qui fait se tordre leurs souffles en une fumée blanche
à la fraicheur du vent sur sa peau chaude et rougie.

Il ne sait pas combien de temps ils restent ainsi, mais une brulure dans son dos le rappèle à l’ordre et sa respiration se bloque un instant dans sa gorge, cassant son rythme si savamment pris.
Il sert les dents et fronce les sourcils.
Secouant la tête, s’ébrouant peut être comme un animal buté, il pousse un peu plus sur ses jambes pour rattraper Daim

« Eh Daim » Entre deux respirations « Dis J-je t’ai jamais demandé: ça te gêne pas que je t’accompagne courir ? Je pensais que c’était un truc que t’a-aimais faire seul…. En silence »
Parce que lui est un grand bruit, le calme fuit Ismael et ses tempêtes belliqueuses.
Et peut être qu’il interfère aussi dans les plages de calmes réservées aux sueurs solitaires. Et il s’en veut déjà.
Mais sa jambe se raidie et la brûlure persiste entre ses vertèbres elle s’étend comme un feu de forêt jusqu’au haut de sa cuisse, à l’opposée la pinçure se serre contre la moelle et bloque ses poumons. Il pâlit un peu et ça lui va mal.
Il aurait du écouter Daim et les paroles sages, et s’échauffer consciencieusement avant d’aller vriller l’air du couloir en courant comme un pantin agité.

« uh…h….h.desolé,.… je c-crois… que j’dois m-m’arrêter. »

il n'y a rien de plus triste que des oiseaux en cage, ou domestiqués. leur propriétaire aura beau vous jurer qu'ils sont nés en captivité, auprès des hommes, qu'ils n'ont connus que ça, qu'il les laisse voler dans la maison quand ils sont présents... c'est toujours un peu triste, non, quand on les voit mordiller gentiment les barreaux pour réclamer de l'attention ou simplement chanter en regardant la fenêtre ouverte ?

et ils ne sont que ça,
des oiseaux à qui l'on serait prêt à couper les ailes s'ils tentaient de s'échapper.

on a beau les laisser chanter, leur apprendre des tours, les récompenser avec des mots doux, la seule chose qu'ils aimeraient vraiment faire leur est refusée. Daim a l'ouïe fine alors bien sûr, qu'il entend son ami, et que son cœur se serre avec la même envie de pouvoir s'échapper en quelques battements. pouvoir voir les bois, la montagne, la nature qui les appelle à travers les barrières n'en est que plus cruel.

il pouvait passer des heures,
que dis-je,
des jours dans la forêt, sans même prononcer un mot. il n'a pas besoin de chanter, il n'a pas besoin d'apprendre à parler ou à ramener ce qu'on lui lance, pour être heureux : il veut juste battre des ailes.

mais c'est interdit, alors on fait ce qu'on peut. on fait quinze fois le tour des bâtiments chaque matin en essayant d'humer l'air frais le plus souvent possible. on se fatigue jusqu'à l'épuisement, juste pour ne pas sentir les quatre murs de la chambre se rapprocher dangereusement tous les soirs.

le silence, d'habitude si apaisant, si familier, si accueillant...
maintenant il prend toute la place, dans les couloirs, dans la chambre, dans sa tête, et ne laisse qu'un faible acouphène. alors Daim cherche des moyens de le faire reculer. il chantonne, il se parle, il parle aux autres surtout. avec Sani, le bruit de la pluie n'avait pas suffit à l'apaiser, il avait fallu parler, de tout, de rien, de sa vie...

Ismael est bavard, il ne demande pas forcément qu'il réponde à chacune de ses interventions et continue de parler. ça rassure. le temps d'écouter ce qu'il dit, le temps de comprendre, on oublie l'emprisonnement et ce silence assourdissant qui n'est jamais bien loin. mais pourtant, ce matin, ils ne parlent pas, mais le silence qu'il redoute n'est pas là, il n'a pas la place, entre le bruit de leurs deux respirations, d'abord synchronisés, puis l'une s'accélérant de plus en plus. le bruit de pas autres que les siens, cette présence qu'il a toujours au coin de son œil... pas besoin de parler, mais il accepte avec plaisir chaque mot qu'il entend, même s'ils semblent... laborieux.

Daim ralentit, se tourne vers son ami, inquiet. on lui a rarement appris comment s'occuper de quelqu'un. fonctionner en groupe, oui, mais il fallait que chacun porte sa propre carcasse et fasse sa part. si quelqu'un était un poids...
il n'a pas envie de faire ça. pas avec Ismael. il s'arrête complètement, s'approche, prêt à le soutenir s'il le faut.

* oui, oui, arrête toi, attends. il ne sait pas exactement quoi faire mais son inquiétude sincère et son envie de bien faire compensent ses lacunes. heu... attends, heu, il faut t'étirer un peu quand tu t'arrêtes d'un coup, sinon tu auras encore plus mal...

il tend l'oreille, elle qu'on a entraîné à n'entendre des signes de vie que pour les éteindre à tout jamais, se concentre sur la respiration de son ami. lorsqu'elle semble un peu moins saccadée il lui montre des étirements qu'il fait lentement en lui donnant quelques indications et quelques encouragements. ce n'est pas la première fois que ça arrive, mais ça le tourmente toujours. est-ce qu'il aurait du aller plus lentement ? il l'aurait peut être mal pris et aurait cru qu'il le sous estimait, non ? est-ce qu'il aurait du faire plus attention en lui montrant des échauffements ? ... c'est de sa faute, non ? c'est de sa faute si son ami a l'air aussi mal ?

* désolé, je te devrais peut être pas te traîner avec moi... il hésite un instant, continue de s'étirer mais pousse son corps un peu moins loin, un peu trop préocuppé par Ismael, qu'il n'arrête pas d'observer du coin de l’œil. mais j'aime bien le faire avec toi ? c'est vrai que j'parle pas tant que ça mais être seul, le silence... ça devient un peu trop, ici. ... bon, rigole pas, hein ? quand je me préparais, les matins, ma grand mère cuisinait et me racontait toujours tout un tas de légendes. les soirs, aussi, elle n'arrêtait pas de parler de nos traditions. ça me manque peut être un peu.

c'est parfois pesant, d'être debout alors que le soleil n'a même pas encore pris la peine de se lever, et qu'il faut aller sortir sous la pluie, dans le froid. mais jamais quand quelqu'un nous parle. il se rappelle de ses histoires, de la maison, la vraie, celle qui est loin, qu'il n'a jamais vue, qu'il ne connaîtra jamais hors de ces confidences lâchées au dessus des fourneaux.

Ismael ne lui rappelle pas la maison, mais il y a quelque chose. quelque chose qui fait qu'il veut le tirer du lit chaque matin pour l'avoir à ses côtés. il se sent à l'aise, quand il est là, plus que si on le laissait simplement se désoler de cette prison pas si dorée que ça dans son coin,
il se dit qu'il devrait faire plus attention à lui, à l'avenir.

Playlist

Il voudrait taper du pied par terre et crier sa frustration, celle là mauvaise qui bouillonne entre ses côtes.
Les côté jadis fêlées, éparpillées comme des confettis.
(parfois il sent encore le béton dans son dos, c’est amusant n’est ce pas ?
Il ne souvient pas de la douleur
seulement de l’humidité
et du béton chaud d’un soir d’été
là contre son dos éclaté)

Ismael serre les dents parce qu’il n’aime pas se voir comme un poids.
Un poids pour Daim peut être, accroché à la cheville.
Daim pourrait courir jusqu’au bout du monde sans jamais s’essouffler, il n’aurait qu’une envie : celle de le suivre. Même à l’acmé de son souffle et jusqu’à ce que ses pieds saignent
même s’il l’abandonne à mille et un mètre derrière
il continuerai à haleter, heureux dans son sillage.
Ismael aime le feu, les chaleurs et les éclats, comme les pies vilaines et les pyromanes.
Et Daim, même s’il ne le sait probablement pas, a cette chaleur entre les mains : bourrue et vive comme les braises
Si Ismael est l’écobue qui vient noircir la montagne
Daim est la terre chaude qui vient reverdir les cendres.

Alors l’enfant terrible aux caprices et aux larmes de crocodiles qu’il est se tait. Il ne dit rien. Et s’exécute

« h…ah putain … t’inquiète c’est… c’est rien. C’est pas ta faute c’est moi qui fait le con. J’me suis blessé y’a quelques temps et ça fait un peu mal parfois…. j’aurais pas du courir comme un débile. » Il renifle, ce son mi-soupire mi-cri, enfoncé dans la narine. Parce que ça l’énerve. Il avait l’habitude de s’ériger en modèle de fer forgé que rien n’ébranle, il avait l’habitude de ne rien laisser paraître des coups et d’émerveiller ses frères et soeurs en gardant toujours le dos droit malgré le ressac. Mais ici il n’a plus personne pour admirer ces farces, plus personne qui a besoin d’être rassuré par un frère qui semble (semble seulement) n’avoir peur de rien.
Mais il ravale ses colères, car à l’aube déchirée de rayons pâles, dans ces moments qui lui rappellent la simplicité fraternelle, il ne veut plus être en colère. Alors il sourit « Comme quoi il faut toujours écouter son Coach ahaha ! »

Et il ne rigole pas vraiment : Daim a cette stabilité qui lui manque et qui, même si elle semble austère à certains, est comme une ancre parmi les vagues. Lui ne connait que ça, l’océan, ses fracas et les grands tourbillons, les remous sans fins dans lesquels on se noie.
Ici personne ne parle
ici les coeurs sont froids
Car à trop l’exposer aux vents des cimes voilà qu’il meurt vite
Et on sent déjà l’haleine chaude des hyènes prêtes à s’en repaître. il y en a trop ici.

Alors quand Daim se confie (oh, ce n’est qu’un petit bout de tendresse, mais il faut les offrir avec parcimonie quand on a pas l’habitude) il délie son bras et vient poser sa main contre l’épaule de son ami.

« C’est normal que ça te manque, faut pas avoir honte de ça hein. » On dit de l’oeil du cyclone qu’il est le calme plat au milieu du chaos, alors dans une douceur qui pour une fois ne brûle pas Ismael offre un sourire. il a beau se moquer des autres et se vouloir fort comme un roc, il comprend la mélancolie qui infuse les paroles de Daim. Il y a des choses qui ne s’effacent pas, des morceaux de tendresse dont on ne se sépare pas. « Moi aussi ma famille manque, j’ai pleins des frères et soeurs et j’espère qu’ils vont bien : Parce que je suis coincé là et j’ai pas l’habitude de les laisser seuls avec ma mère tu vois ? » Ismael a le coeur qui aime trop, et aimer fait un peu mal.

Il passe une main dans son cou, mal à l’aise. Il n’a pas honte de dire qu’il aime ses frère et soeurs et sa mère, il a un peu honte d’avouer qu’il est dévorer par le manque.
« Merci de partager ça avec moi Daim. J’aime beaucoup passer du temps avec toi tu sais. » Il relâche l’épaule de Daim, et donne un coup de pied dans le gravier gisant eu sol. Il aimerait lui raconter aussi ces histoires dans une langue qui est la sienne et qu’il n’a jamais pu oublier. Il a des histoires de martyr et de Djins en pagaille si bien qu’il ne sait plus les différencier. Il a des histoires dans des langues qu’on lui a interdit de parler. Il a tant de mythologies, de psaumes, de chants qui ont un gout de révolution. Et il aimerait que Daim lui conte aussi les siens;

« Jsais pas… tu vas me trouver con surement mais, j’ai l’impression d’être moins seul. »

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