(TW VIOLENCE) ah fuck i can't believe you've done this

c'est vraiment pas la journée, pour Bic. vous remarquerez, ça n'est jamais vraiment sa journée, ni sa semaine, ni son mois, mais d'habitude il arrive à y faire face sans avoir à trop de plaindre, lever les yeux au ciel ou grogner. (c'est faux)

passer une journée à courir derrière Nuni c'est... épuisant, évidemment, même si ça le distrait il l'engueule un peu pour marquer le coup, mais n'a jamais peur qu'il aille trop loin. au pire, il peut toujours le pister. s'il avait un peu plus la tête à ça, il aurait bien imaginé lui proposer un jour une partie de cache cache pour le convaincre qu'il a des super pouvoirs de super agent du gouvernement capable de retrouver n'importe qui. bon, c'était pas lui, le problème au final, même si tenter de l'intéresser aux cours est sacrément compliqué et exténuant quand on a aucune expérience pédagogique. surtout quand une ribambelle de collègues lui rappellent avec un sourire quand il les croise dans les couloirs ou lors de ses pauses clopes.

tu t'impliques trop.
tu es sûr que tu sais garder des gosses ? non parce que tu es juste censé faire ça, tu sais.
tu voudrais pas plutôt retourner coller des gommettes avec des maternelles ?

* quels cons.

la journée touche à sa fin et les aiguilles de sa montre vont bientôt se rejoindre en haut du cadran, c'est le moment de souffler, d'insulter la terre entière et d'aller recommencer la même journée demain. autant dire qu'il est pas très souriant quand il entre dans la chambre qu'il est obligé de partager malgré de nombreuses menaces de démission.

* ah, t'es là, toi.

il s'assied sur son lit en grognant, un sourire au bord des lèvres. il a déjà un patch au creux du bras car il a promit à ses supérieurs qu'il arrêterait mais c'est plus fort que lui, il est obligé d'allumer une autre cigarette pour essayer d'oublier les emmerdes de la journée. et si ça peut emmerder son colocataire, c'est toujours ça de gagné.

...

... oui, quand même, ce serait dommage de se contenter d'un peu de nicotine quand il a une méthode encore plus efficace. il sait qu'en envoyant les bons mots, il peut faire bondir ce "toi" qui a pour l'instant l'air de ne pas trop faire attention à lui. vous pourriez lui dire qu'il est injuste, qu'il le connait à peine, ce charmant collègue et qu'il devrait lui laisser une chance. oui, vous pourriez parfaitement le dire, mais Bic n'écoute pas. Il le connait, ce gars, une simple recherche google donne des milliers de résultats sur lui, à vrai dire, et rien qui ne puisse l'empêcher de juger comme le premier des cons. sans parler de cette attitude de supériorité qu'il semble ne jamais quitter.

il n'aime pas les séducteurs. il sait que ce sont des menteurs, et oui, lui aussi il ment, mais c'est son travail. ce type... est-ce que c'est juste un passe temps pour lui ?

* bon, je préconise une soirée dans le calme, tu t'en sens capable ?

la première balle est tirée, maintenant il suffit de voir s'il va riposter. ou plutôt comment.

putain. bien sûr, qu'ils se détestent. comme deux chats de gouttières qui se jaugent de loin sur leurs poubelles respectives et hurlent à la mort en hérissant leur fourrure pour espérer faire fuir l'autre. mais personne n'a son petit territoire attitré dans cette affaire, puisqu'ils partagent la même chambre. aucun des deux n'est plus fort que l'autre, chacun à sa manière entre la force brute et les mots coupants, ce sont vraiment les deux sales même bestioles, alors aucun ne veut reculer et admettre que l'autre domine.

combien de temps ça va continuer, ce petit jeu, ces insultes à peine masquées ou ces faux compliments, ces regards assassins et ces envies de meurtre ? ils vont forcément finir par se tuer ou autre chose, mais tant que ça dure, Bic est plutôt content. c'est peut être un peu paradoxal et contradictoire mais pouvoir cracher son venin sans honte à la figure de quelqu'un, pouvoir se débarrasser de toute la frustration en écrasant quelqu'un d'autre qui se défend, qui rend les coups et ne semble jamais se démonter... ça change, ça fait du bien, merde, de pourrir quelqu'un d'autre, de lui renvoyer à la gueule tout ce qui ne va pas et décréter que c'est entièrement de sa faute. c'est bien joli d'apprendre à ne pas cracher sur les autres au moindre mot gentil, d'accepter la pitié et l'attention, mais parfois on veut juste retomber dans nos habitudes pas très saines. on attendra demain pour l'amélioration personnelle et les conneries de bienveillance, pas vrai ?

ce qui est le pied et qui ne fait en même temps qu'empirer la situation, c'est que ce connard de Tanoshi est exactement sur la même longueur d'onde quand il s'agit de se quicher la tronche du lever au coucher. alors qu'il ai l'audace de lui rejeter la faute... c'est le jeu, mais ça le fait un peu rire jaune. il a besoin d'au moins deux bouffées avant de rétorquer quelque chose.

le clin d'oeil par contre, et ces sales insinuations, ça résonne et ça rebondit dans son crâne, ça fait bouillir son sang et lui donne envie de lui jeter une des chaises de la chambre au visage, sans prévenir, mais il n'est pas sûr d'avoir la force. comment il répond à quelque chose comme ça, même ? il ne le sait sûrement pas, cet enculé, mais il ne fait que remuer le couteau dans le plaie. peut être que s'il ne s'était pas fait larguer comme un chien le mois dernier, il aurait pu accepter de ne pas trop mal le prendre. peut être. il aurait peut être rit et répondu quelque chose dans la surenchère, une petite provocation supplémentaire.

c'est fou, ce don de le faire partir au quart de tour.

* ouais, si par détendre on parle d'écraser ta face et si par quelque chose de bien on parle de moi qui te casse la gueule. nan mais ce connard...

même amoché, même en morceaux, il est plutôt sûr d'avoir le dessus. c'est très tentant, même, de mettre tout de suite ça à l'épreuve, après tout c'est quelqu'un de manuel plus que quelqu'un de théorique, il aime le concret quand il s'agit de concrètement lui faire manger ses dents. ... mais est-ce qu'il a vraiment l’énergie et l'envie de se lancer dans ce genre de choses à cette heure... ? du coup, il continue sur la même lancée.

même avec ses mots, il a envie de le blesser, envie qu'il perde ce petit sourire de fils de pute, qu'il ravale son égo de merde et admette qu'il a gagné. il avait commencé innocemment en cherchant juste à le titiller mais ils ne peuvent jamais la jouer réglo, ces deux là, il faut croire.

* ah mais c'est pour essayer de me plaire, les talons ? désolé l'autruche mais j'ai besoin d'un peu plus de sex appeal que ça.

quoi qu'il dise, la prochaine fois qu'il ouvre la bouche, il va le défoncer.

il va lui casser la gueule, tout le monde le sait, les lits peuvent même témoigner, et ce n'est qu'une simple question de secondes. ce n'est même pas vraiment une histoire des mots qu'emploient ce petit enculé, même si cela aggrave évidemment la situation. comme tout le monde le sait, quand le dialogue est rompu, rien ne vaut l'octogone.

rien que de voir ce mec parfait, qui brille de partout avec son strass et ses petites chemises à la con, ça lui donne quelques idées. il a envie de casser cette image parfaite derrière laquelle il se cache en permanence. il veut voir les imperfections sous le masque de fond de teint appliqué avec beaucoup d'attention chaque matin, il doit l'admettre, mais il veut juste détruire tout ça, le voir ramper, boiter, voir un sourire édenté et honteux au lieu de cette assurance exaspérante.

bon, il va se le faire.

c'est pas très réglo, de remuer le couteau dans la plaie, mais ce fils de pute n'a pas tord, d'exploiter chaque faiblesse qui s'offre à lui. malheureusement pour lui, Bic n'a que ça, des faiblesses, et juste beaucoup de violence et de colère réprimées pour se défendre.

il se lève, marche vers le bureau collé contre un des murs de la pièce, s'avance lentement. il ne se souviens pas avoir déjà été aussi tendu, mais il se console en se disant que la consolation n'est qu'à quelques secondes d'ici. une dernière bouffée et il écrase sa cigarette dans le cendrier qu'il a oublié de vider ce matin et puis merde qu'est-ce qu'il attends en fait ? le premier objet qui arrive sous sa main c'est son propre ordinateur portable, propriété du gouvernement, prêté gracieusement, qui se retrouve lancé avec force vers cette salope de Tanoshi qui a encore l'audace de rire même s'il sait ce qui l'attend. aveuglé par la rage, il n'enregistre même pas s'il a réussi à viser juste et franchit les quelques mètres qui le séparait encore de son destin douloureux pour l'attraper par le col et coller son poing au milieu de la figure.

putain, ça soulage. ça résout rien, certes, il aura les mêmes problèmes cette nuit, demain, la semaine prochaine, mais merde, ça fait du bien. il savoure cette seconde où il sent cette peau pailletée et si parfaite. il espère qu'il va saigner qu'il ai mal qu'il ai des bleus qu'il n'arrive pas à masquer demain. que tout le monde sache que c'est le plus gros connard de la terre et qu'il l'a bien mérité.

* c'est quoi ton putain de problème, hm ? il grogne plus qu'il ne parle. t'as eu une enfance difficile ? t'es maso ? ça se passe mal avec ton père ? non mais parce qu'on peut en parler, si tu veux ?

il se retient de lui cracher dessus mais il doit très bien savoir que ça lui pend au nez à un moment où un autre, non ? dans tous les cas, c'est mérité, il s'il pouvait prendre la peine de montrer qu'il a mal, ce serait bien gentil de sa part. Bic en a besoin, là, tout de suite.

c'est quelque chose, ce qui est en train de se passer là. oui, certes, c'est un passage à tabac, mais c'est peut être un peu plus que ça, dans le fond, plus que de simples coups rendus pour une insulte.

Bic a l'impression que c'est l'échange le plus sincère qu'il ai jamais pu avoir avec cette charogne. malgré ses lourdes protestations et ses menaces à chaque tentative de comparaison, il est obligé d'admettre qu'ils ont un terrain d'entente, là tout de suite. ils ne sont peut être pas si différents, dans le fond de leurs tripes et dans leurs instincts les plus primaires, loin de là. il ne s'attendait pas à trouver autant de violence derrière cette apparence si lisse et travaillée. même ceux qu'il invite dans sa loge ne doivent pas avoir droit à cette partie de lui, cette rage qui égale si aisément la sienne, qui l'attise et l'encourage, qui lui donne envie de frapper toujours plus fort quitte à aller trop loin. surtout si ça va trop loin.

putain.
il sait faire mal, le con. autant que lui mais-

* PUTAIN !

toujours là où ne l'attend pas, toujours inattendu et toujours un beau salopard. il sent les dents s'enfoncer dans sa chair nue, se planter et faire couler le sang, comme ces chiens de chasse qui bloquent leur mâchoire pour empêcher les renards de se faufiler dans leur terrier. faut bien reconnaître qu'il s'accroche et qu'il lâche pas l'affaire. le surveillant peste, jure, rage, grogne.

dans un autre contexte, il l'aurait peut être respecté. s'ils n'étaient pas en train de jauger qui était la pire des carnes entre eux deux, s'ils n'étaient pas simplement en train d'extérioriser des semaines de haine larvée, s'il n'était pas aussi insupportable... s'il n'était pas lui. si'l n'était pas en train de lâcher ces saloperies le plus naturellement de monde, la bouche assez ensanglantée pour ne plus savoir à qui est-ce que tout ce sang appartient.

* t'es si frustré que ça ?

il sait que c'est lui, le frustré, dans l'affaire, sûrement bien plus que Tanoshi, et avoir sa bénédiction ne fait qu'empirer les choses. il lui reproche d'aimer la situation mais il sait qu'il doit plaider coupable avec lui. il ne veut plus simplement tirer de lui quelques excuses ou un regard humilié et vaincu. il veut le démolir sans pitié ni règles et il va adorer ça.

* suffisait de demander, salope, qu'il lui crache à la figure avec une hargne redoublée, ponctuant sa phrase d'un coup de boule qu'il sent résonner jusqu'au fond de son crâne.

ça suffit pas, merde, des années de thérapie de de discussion, pour un type qui prend autant son pied à entendre quelqu'un grogner de douleur. un type satisfait à la vue du sang et fier de son travail devant ce sourire plus si joli et charmant. pourtant, pour lui, il n'a jamais été aussi parfait.

les premiers jours, il avait peut être espéré l'éviter, éviter les provocations et renvoyer les insultes, passer l'année dans une ignorance maîtrisée... ce genre de jeu n'est pas pour eux et certainement pas pour lui. hypocrisie que d'estimer qu'ils ne finiraient pas par s'entretuer comme deux ordures.

c'est dur de démêler les rires des gémissements de douleur et Bic ne cherche même plus à faire la différence. il veut le faire crier et le réduire au silence. de quoi s'écorcher les cordes vocales et ne plus pouvoir jamais s'en servir.  il voulait tirer quelque chose de lui, tout comme cette charogne arrive à faire ressortir le pire qui dort sous cette surface faussement calme et maîtrisée.

c'est juste
un mec violent. un peu dérangé, mal élevé, encouragé dans cette violence et cette capacité à entièrement se détacher de la personne sur laquelle il laisse couler sa haine pour se concentrer sur la douleur qu'il souhaite infliger. on lui a appris tout ça, à l'apprécier et se reposer dessus, pendant quelques années avant de lui arracher violemment et lui dire de faire comme si rien ne s'était passé.

il aura beau remplir tous les formulaires du monde, faire les plus jolis sourires qui soient à ses psychiatres et prendre gentiment ses cachetons avec ses tartines le matin, c'est juste un vernis, une illusion de domestication qui s'écaille à la moindre occasion. il l'arrache lui même à la force de ses poings avec plaisir, ce soir, et s'il serrait un peu plus ses dents il aurait peur de se couper la langue.

doué ?
oui, bien sûr.

il n'a fait que ça, c'était son seul plan de carrière. et chaque seconde éveillée de sa vie lui rappelle qu'il n'y a plus le droit. mais ici, si. il peut laisser s'exprimer ce qu'il a toujours voulu hurler et il y a quelqu'un pour recevoir. pour l'entendre et comprendre si seulement il pouvait arrêter de rire

* que veux tu, c'est mon métier. il trouve encore le moyen de sourire, quelque part entre les injures.

pas pour longtemps.

quel fils de pute, c'est tout ce qui passe dans son esprit, qui prend le pas sur tout le reste, la vie, cette merde, l'humiliation constante de cacher ses crocs et de montrer patte blanche. de faire celui qu'il n'est pas. la guerre est déclarée depuis longtemps, larvée, sous entendue, amenée en rigolant, mais une fois que ça éclate ils ont visiblement décider d'aller jusqu'au bout et il faut admettre que son adversaire a du répondant. plus que lui, obligé d'hurler de douleur car MERDE PUTAIN SALE PUTE

le goût du sang qui descend jusqu'à ses lèvres et tâche ses dents, un encouragement de plus, une raison supplémentaire. ses poings se desserrent, ses phalanges retrouvent leur couleur, un temps seulement, juste de quoi entourer cette gorge encore beaucoup trop bavarde. quelque chose l'empêche de serrer jusqu'au bout, au fond de lui, quelque chose qu'il n'arrive pas à identifier, qui tente de convaincre sa soif que c'est bien assez comme ça.

* mais j'ai pas saisi le tien, dis... c'est de gueuler comme une pute, c'est ça ?

le sentiment que l'on domine quelqu'un, que l'on tient sa vie entre ses mains et qu'il ne peut pas y faire grand chose à part vous supplier du regard ou se débattre, deux façons de tenter de vous amadouer...

combien de temps ?

combien de temps ça fait, Bic, que tu n'as pas ressenti ça ? on t'a dit de tout oublier, de tout cloisonner et de ranger ça dans un petit tiroir, très loin, mais tu sais que ça te pendait au coin du nez, non ? tu savais que ça allait te tomber sur la gueule à ce moment ?

combien de temps ça fait, que tu le tiens à ta merci malgré les protestations, les griffes, la hargne, ce sourire dégueulasse ?

merci.

merci merci merci d'être celui qui permet de revivre ça. dans le fond, il n'aurait jamais pu espérer mieux qu'une telle carne pour se tenir face à lui et relever le défi, le pousser à aller plus loin et franchir lui même la ligne s'il n'ose pas. mais avec quelqu'un comme ça, avec une relation comme ça, on ne se dit pas merci, non, on se contente de fixer le fond de ses yeux pour déchiffrer ces émotions qui se bousculent dans cet instant qui pourrait très bien être le tout dernier, peut être qu'on resserre un peu, à peine, simplement pour sentir sa trachée sous ses pouces, et il sait que ces griffures ne sont qu'un encouragement.

merci je compte pas m'arrêter merci


est-ce qu'il sait lui même pourquoi il lâche Tanoshi ? un élan de bonté, une envie de faire durer le plaisir, un regain de conscience professionnelle, une simple envie de sauver son cul et son boulot ? ça fait chaud au cœur, d'une certaine manière, de l'entendre tousser, ça continue d'attiser la haine. il le regarde, s'accrocher à la vie, profiter, cracher, tout, et lui qui reprend sa respiration, aussi saccadée, il ne peut que lui renvoyer son sourire. ils sont d'accords.

* merde, t'arrives encore à parler après ça ? est-ce qu'il est vraiment en train de rire ? il ne reconnait même plus sa propre voix. dis, t'as été abandonné à la naissance et élevé par des langues de pute c'est ça ?

il se redresse péniblement, en grognant de douleur, essayant de réduire au silence toutes les contre-indications que les médecins ont pu lui hurler dans sa vie, les reléguer au fond de son crâne. il n'y a que Clyde Tanoshi ici et il n'a pas besoin de plus. il ne sait même pas ce qu'il veut, vraiment. il l'agrippe par la nuque, par ces cheveux trop soyeux qu'il doit peigner pendant des heures,
reprend son souffle.
hésite.

* honnêtement, je sais pas.

bien sûr, qu'il veut continuer.

est-ce que la fin de la récré vient de sonner ou est-ce que c'est juste une pause pour reprendre son souffle ? ces quelques secondes où chacun reprend son souffle et où le seul contact qui reste n'est plus hargneux, pas bienveillant pour autant, une simple présence, là, sous sa main, qu'il sent se rapprocher. elles s'étirent, ces secondes.

c'est presque trop beau, non ? ce genre de petites choses parfaites qu'on a envie de détruire. comme les chemins enneigés vierges de toute trace de pas dans lesquels on se sent obligé de laisser son empreinte, comme la première ligne à l'encre que l'on trace sur une feuille blanche, la première goutte de sang qui perle quand on se coupe. comme le beau visage maintenant ruiné de Clyde Tanoshi. le goût du sang emplit sa bouche, il ne veut pas partir, même lorsqu'il passe sa langue sur ses dents et essuie le filet qui coulait de son nez, maintenant séché. sa main libre appuyée sur sa lèvre encore ouverte, il sourit franchement. c'est sincère, pour une fois. après s'être tout dit, il ne peut pas lui mentir maintenant :

*  tu fais ressortir ce que j'ai de mieux en moi.

ils ont de sacré gueules cassés, les deux saloperies, maintenant. mais ça n'inspire que de la joie pour Bic. autant la sienne que celle d'en face, ornée différemment mais un miroir de la même douleur partagée. il sait gérer ça, la douleur. l'ancien soldat en a connu, des blessures, des bleus, des coupures, des brulures et tout ce qu'il y a entre. mais ce qui le fait tressaillir, presque bondir s'il en avait encore la force, c'est cette main.

elle ne devrait pas être là, bien sûr.

les muscles de son bras se tendent au premier contact, s'attendant à ce que des griffes acérées s'enfoncent dans sa peau, l'arrache, le fasse saigner avec son lot d'insultes et de mépris faussement doucereux. rien ne vient.

lorsque l'adrénaline et la colère se calment, la douleur n'est jamais très loin, comme leur ombre. évidemment que tout ça fait un mal de chien, mais est-ce qu'il peut vraiment s'arrêter maintenant ? sa main se resserre, lentement. il a un jour entendu parler des rapaces qui peuvent être assez subtils tout en déployant une force capable de briser des os humains. ... mais Bic n'est pas subtil et pour une fois, c'est écrit sur sa gueule et celle de son collègue. ses ongles s'enfoncent, cherchent à tirer un dernier cri de douleur, quelque chose pour vainement tenter de montrer que si, il est supérieur. mais à quoi bon ? la prise se desserre, remplacée par une tape forte et franche sur l'épaule.

un de ses genoux craque et l'autre grince quand il se penche pour attraper quelque chose dans sa veste abandonnée sur son lit quelques minutes auparavant et s'assied en tailleur, tout proche, trop, comme une énième provocation, une façon de dire que ce n'est pas terminé. il allume la cigarette serrée entre ses lèvres, jette à nouveau le briquet en suivant une petite voix qui lui susurre de ne pas garder d'armes à portée, pas tout de suite, pas pour l'instant. la première bouffée est pour lui, évidemment, mais il tend la main et offre gracieusement la deuxième.

* on n'a plus vingt ans, va.

ils sont assis au milieu de leur champ de bataille, trois cadavres qui bougent à peine, et Bic n'a vraiment pas envie de regarder tout ça pour l'instant, alors il fixe ses mains, ses phalanges tuméfiées recouvertes de sang et de griffures. il n'ose pas regarder son visage dans un miroir mais il sent les balafres qui brûlent là où les ongles ont arraché sa peau. qu'est-ce que ça va donner demain ? il préfère ne même pas y penser.

je ne suis pas sûr que j'aurais pu continuer à encaisser tes coups sans broncher. ah.

* j'aurais peut être du continuer alors, merde.

mais déjà, ses mots tombent dans l'oreille d'un sourd. il ne peut que fixer la forme endormie avec toujours autant d'animosité. la haine est toujours là, bien logée au fond de ses tripes, mais elle retourne dans sa tanière quelques instants. il ne va pas se presser pour Monsieur Clyde Tanoshi, alors il prend le temps de finir tranquillement sa cigarette en l'observant, un oeil presque collé à son torse qui se soulève à peine.

un mégot de plus dans le cendrier, l'ordinateur explosé au fond de la corbeille, il ne reste plus qu'à s'occuper du cas de l'autre carne.

oh putain il pèse son poids, la sale bestiole. ses bras lui hurlent que c'est une mauvaise idée, ses jambes aussi, mais il lui doit bien ça. tout juste assez de respect mêlé à encore un peu de colère, il l'attrape avec précaution, un bras sous son dos et l'autre sous ses genoux, et le lâche sans cérémonie sur son lit. bon, c'est pas sa mère, il va pas le border ou le déshabiller non plus, l'autre se démerdera bien au réveil. vu leurs blessures, ce sera de toute façon bien le dernier de ses soucis, d'avoir dormi habillé.

la lumière éteinte.

plus un bruit, c'est reposant d'une certaine manière, mais il manque quelque chose. il ne sera peut être jamais à l'aise qu'en le frappant.

au bord du lit, il enlève tout, ses vêtements, sa jambe, peut être un peu sa dignité.

il s'endort en grognant, redoutant le lendemain.

c'est peut être le moment d'esquiver son regard et de bien fermer sa gueule pendant quelques jours, hein.