orties & orchidées + angel

darwin n'a plus la soif du conflit ni des batailles inutiles puisqu'elles ne se rangent dans aucune guerre ; à quoi bon se battre en vain, sans résultat. c'est alors toujours très désintéressé qu'il écarte les obstacles, les chasse d'un grand coup de paume dans leur coeur, l’œillade froide. souvent on ne rétorque pas car on le sait très bien que ces grands hommes orgueilleux comme darwin peuvent faire connaître l'opprobre en quelques secondes à peine - ou sinon il faut être bien valeureux et encaisser sa verbe tranchante.

ici il n'est pas un roi, ni un tyran à vrai dire : juste un goguenard qui n'aime pas être troublé dans sa quiétude meurtrière et qui appelle la paix quand il n'enfile pas son costume de professeur. un malpoli sans manières avec les plus jeunes qu'il envie de leur position de futurs héros. la vermine ignare qui ne se rend pas compte de sa chance et du rôle qu'elle pourrait jouer dans l'histoire d'une humanité globale ne mérite, à ses yeux, même pas une risette.

bien déterminé toutefois à remplir son rôle très justement, aussi infâme et sans pitié soit-il, son chemin le guide jusqu'à la bibliothèque pour y trouver quelques références pour ses futurs cours avec son groupe. le visage fermé, les mains dans les poches, les doigts de la main grouillants contre son paquet de cigarettes (il s'en claquerait bien une mais à l'intérieur il ne le fait qu'en classe à la fenêtre), il semble prêt à dégainer une arme imaginaire. à braquer sur n'importe quelle cible et à tirer sans sourciller - du moins aspirerait-il au danger s'il n'était pas aussi nonchalant et qu'on voyait, dans ses cernes, une certaine faiblesse face à la vie.
lui-même n'est pas un dieu ou un individu appelant au massacre et il n'a jamais prétendu à un de ces titres.

pas pour le moins déstabilisé par la présence d'un ou de plusieurs élèves obstruant le passage, il pose calmement une main sur le crâne diluvien sans y voir la tempête. et son geste se perpétue pour l'écarter sur sa gauche. du moins c'est ce à quoi il aspire quand il cherche à l'écarter.
tu gênes.
sa voix est toujours trop forte pour des couloirs, pas assez tamisée pour une enceinte scolaire : darwin n'est pas là pour être civilisé mais pour apprendre à des moucherons les bases d'une destruction préméditée.

darwin ne connaît pas l'ignominie. la honte lui coule dessus sans jamais l'atteindre et la timidité demeure un concept inconnu. la terre continue de tourner - il ne craint rien à part l'apocalypse. ce n'est pas une ombre de quinze ans filés qui risque d'éteindre son regard et encore moins quand il pourrait le craqueler d'une poigne bien sentie.

en sentant les canines dans une chair maintenant bafouée, il est pris d'une douleur brusque : la hargne aura raison de lui et c'est plus la frustration de ne pouvoir rétorquer en l'envoyant valser qui le frustre et le blesse. vidé par sa propre faiblesse liée aux règles, rappelé à l'ordre par sa propre envie d'atteindre le sommet - il fait taire son ire. un silence sec s'impose quand il dégage violemment son poignet face à l'affront inattendu.

darwin apprend aux élèves l'indépendance, voue un culte à la prise de décision individuelle pour le bien du groupe : mais pour ne pas instaurer une anarchie il faut respecter la hiérarchie.

il est à deux doigts de le gifler quand il lui répond mais il en appelle à sa raison. l'ombre dédaigneuse veille sur ses prunelles lasses d'adolescents qui ne connaissent pas leurs limites - darwin reste statique.
ah. difficilement arraché. tu vas me suivre.
le ton est sévère parce qu'il connaît au moins la puissance hypocrite des adultes et qu'il vaut mieux s'y ployer pour y garder les avantages sains d'un élève apprécié - darwin lui fait un signe de main, et l'invite à passer en se décalant.
si ce n'est pas par la douceur il le fera par la force. la crainte d'administrer une sévérité démesurée est abstraite dans un univers ensanglanté.

il a oublié au fil des années la rigidité des âmes qui se pensent rebelles, plus spécialement quand elles ne sont forgées par aucun sermon, quand elles n'ont craint visiblement aucune colère de plus fort.
ou du moins que les coups fissurent la roche sans la tailler - dieu qu'est-ce qu'il déteste ça, qu'est-ce qu'il méprise les adolescents pour cette raison. lui aussi a été jeune mais il se conforte dans une idée erronée de son exemplarité passée ou que du moins son insolence fut pertinente dans ses beaux jours.
il n'adresse pas un regard aux passants qui se nourrissent du drame d'une entrevue perturbée, qui veulent le sang et les larmes à la fois - que pleuvent là les sentiments pour assouvir leur morne journée. darwin reste inflexible. les garces de quinze ans ne lui font pas peur et il maudit celles et ceux qu'il juge incapables d'élever leurs enfants et de donner de la force à des avortons cruels qui nuiront non seulement aux autres mioches, mais à l'équilibre précaire des professeurs.

il grince des dents quand il saisit l'avant-bras d'angel, d'une poigne franche, doigts contractés assez pour l'empêcher de partir, initiant le départ vers quelque part avec moins de passage.
et sinon on va faire comme ça. sans délicatesse. déjà que darwin n'a pas beaucoup d'amour à offrir à ses propres élèves alors ceux des autres - il en mettrait des gifles. les premiers ont appris à le craindre, les seconds ne le connaissent pas.
parfois il vaut mieux se fier aux premières impressions et celle qu'il souhaite renvoyer en est une qui demande à ne pas emmerder le propriétaire.

darwin ne craint rien, les menaces adolescentes ne pèsent rien sur un tel vécu ; il ne lâchera pas. il a connu la foudre et des émois plus terribles, des pleureurs sanguinolents, les chairs déchiquetées au nom de la justice. alors non, il ne cède pas.
pas gêné pour des allusions telles que celles d'angel, il lui répond d'une oeillade en biais ; aux allures de titan, il n'abandonne pas si vite. il ne ploie pas face aux rires, n'a pas honte de ces gamineries et l'incite encore davantage à le faire suivre.

il continue sa route, la pression amoindrit autour du bras. mais il est toujours là et il ne veut pas le faire oublier.
il ouvre une porte sentant un refermé vieilli, poussiéreux ; il appuie sur l'interrupteur qui met bien une seconde à réagir. la lumière jaunie laisse un reflet décrépi sur le papier peint vieilli. il coince angel contre le mur, lui assénant une gifle sèche.

tu vas apprendre à respecter les adultes. c'est clair ?

il ne fait pas mine de rire ; darwin n'en a que faire de l'éducation et des moeurs mais il s'agace qu'on s'en prenne ouvertement à lui puisque cela laisse porte ouverte à tout abus. il a une réputation à forger et ce n'est pas en se laissant malmener dans un couloir qu'elle se fera - ce n'est que l'aube d'une année et les prémices doivent refléter comment le futur doit se dérouler.