zach stop. zach stop. you're gonna get in trouble ft. peki

c'est pas la journée. c'est pas la journée. c'est pas la journée.

en fait, ce n'est pas la journée au moins depuis la veille. Bic ne sait pas ce qu'il a, mais visiblement pas la forme. peut être que ce sont les douleurs qui l'ont tenu réveillé, ou les dossiers de certains élèves pour s'occuper le temps que la fatigue le rattrape.

en fait, il a surtout relu le dossier de Nuni, qui l'intrigue toujours, notamment à cause des notes supplémentaires rajoutées par ses supérieurs par rapport à sa présence ici, les précautions, les mises en garde, les tampons classifiés qui fleurissent les pages... mais aussi la section médicale bien plus épaisse que l'ensemble des autres étudiants. d'une certaine manière, il se sent un peu plus proche de lui, mais il a du mal à ne pas avoir bêtement pitié de lui. c'est un gosse, et certainement pas juste défini par les rapports des médecins, il est bien placé pour savoir ça, mais en ayant une idée de son ordonnance, il se dit quand même que ce serait vraiment con qu'il risque quoi que ce soit juste à cause d'un oubli et cette inquiétude lui tord assez les tripes pour qu'il décide d'aller faire un petit tour à l'infirmerie.

les cernes, la chemise un peu trop froissée, les dents serrées : une bien belle dégaine quand on se vante d'être l'adulte responsable du coin, mais on fait ce qu'on peut. le surveillant traverse les couloirs du bâtiment rapidement pour se débarrasser de ça, ouvre la porte de l'infirmerie sans même attendre une réponse après avoir toqué, se rappelant qu'il est censé aller surveiller tous les petits cons avant le début des cours pour les empêcher de se battre. quelle idée, vraiment, ce pensionnat ? il se rappelle des réunions interminables où il ne pouvait que se frapper le front et essayer de limiter ses grognements devant ses chefs.

bon, Bic n'est pas de bonne humeur, pour changer. la salle vide qui s'offre à lui ne fait rien pour arranger les choses, au contraire. l'odeur légère de désinfectant qui envahit ses narines lui donne envie de partir en courant avant même d'avoir vu toutes ces étagères bien rangées mais qui semblent si inquiétantes pour lui. tout est beau et propre, comme un hôpital. pour tenter de se calmer et essayer de rendre la pièce plus accueillante, il a une de ses idées qui provoqueraient sûrement des envies de meurtre irrépressibles chez les pédopsychiatres et n'importe quelle personne compétente dans le domaine de l'éducation.

* c'est l'occasion de s'en griller une.

rassurez vous, il ouvre quand même la fenêtre, il n'est pas si irresponsable et inconscient que ça (si). mais maintenant qu'il se sent un peu plus détendu il en profite pour commencer de fouiller dans les placards, décidé à ne pas attendre probablement des heures avant que l'infirmier ne se ramène.

* ... de toute façon c'est un con...

il repère rapidement des anti douleurs qui ne sont pas listés sur l'ordonnance froissée qu'il tient dans la main mais ça, c'est son petit secret entre lui, moi et vous, alors vous n'avez vraiment pas intérêt de cafter ça à ses supérieurs car il n'est pas d'humeur à leur annoncer que non, malgré la rééducation et tout ce qui a suivi, il n'est toujours pas très en état. non, non, merci, pas de psy, pas de suivi, pas de traitement de faveur.

par contre, ce qu'il avait vraiment en tête de récupérer avec les meilleures intentions du monde... c'est sûrement quelque chose de peu courant car ce n'est pas sur la première étagère, ni sur la deuxième.

* merde, c'est où ?

il s'apprête à se pencher pour fouiller un placard plus bas mais se fige automatiquement en voyant la porte s'ouvrir. aie. si c'est l'infirmier, il va se faire défoncer et il va devoir faire un rapport pour justifier pourquoi il vient piquer des boîtes de médicaments sans autorisation en fumant dans les locaux. si c'est un élève... ... ...

... est-ce qu'il vaut mieux montrer le mauvais exemple quand on est censé encadrer des enfants ou se faire exploser par sa hiérarchie sans que ces charmantes têtes blondes l'apprenne ?

quelque soit la réponse à la question de si dire si c'est pire de tomber un élève ou un adulte, les dés sont jetés et ouf au moins ce n'est pas ce con d'infirmier. mais ce n'est jamais bon d'être vu une cigarette au bout des lèvres et les deux mains enfoncées dans un placard de pharmacie.

* putain je fais quoi...

mais ce qui étonne le plus Bic, ce n'est pas d'être découvert en train de voler des médicaments à une heure où tout le monde se balade librement dans les couloirs, non, ça c'était même plutôt attendu, en vrai. ce n'est pas non plus cette énorme chevelure rose, il a vu plus étrange dans les couloirs de l'établissement et s'il n'était pas dans une situation aussi délicate il se permettrait même un petit compliment car il trouve que la couleur lui va plutôt bien.

mais que la personne qui le découvre en train de faire des choses répréhensibles même avec toutes les justifications du monde s'excuse de déranger... ? bic reste incrédule un certain temps, les mains toujours dans les placards, en train de fixer cette fille qui ne veut pas le déranger, ayant du mal à croire qu'il ai bien entendu. il ne sait pas encore comment dissiper le malentendu mais il peut au moins lui répondre sur ce point, c'est peut être déjà un début avant de trouver un mensonge assez crédible pour qu'elle l'accepte.

* pourquoi est-ce que... heu, enfin, non, bien sûr que tu ne déranges pas.

le surveillant recule pour s'éloigner des preuves de ses méfaits et il récupère l'ordonnance froissée qu'il a laissée en évidence sur le bureau. il la plie et la range soigneusement dans la poche intérieure de sa veste. l'occasion de prendre une nouvelle bouffée de cigarette pour essayer d'oublier le stress constant qu'il semble ressentir. il se stoppe immédiatement lorsqu'il pose à nouveau ses yeux sur l'élève et il ouvre en vitesse une fenêtre en grommelant une excuse, espérant que personne d'autre ne vienne l'interrompre car il était sûr de n'être plus très loin du licenciement à ce rythme là malgré toutes les informations confidentielles que seul lui possède.

* j'étais à court et vu que l'infirmier n'est pas là, je voulais régler ça vite avant le début des cours.

c'était d'ailleurs imminent, non ? un coup d’œil sur sa montre lui rappela qu'il serait bientôt en retard s'il comptait accompagné Nuni pour la journée. il n'était pas exactement tuteur et le jeune pouvait sûrement plus ou moins s'en sortir sans lui mais... ... qui sait ce qu'il pouvait faire ou raconter. l'aiguille des seconde continuait sa course sur le cadran mais il n'était pas inquiet au point d'avoir envie de se presser.

se rappelant qu'effectivement, il est surveillant, et surtout curieux comme un pou, il ne peut s'empêcher de faire une remarque à l'élève.

* c'est bientôt l'heure pour toi aussi, nan ? putain j'ai pas envie de me grouiller...

quel con, ce Bic. ça se dit agent du gouvernement dans la branche la plus secrète de la défense, ça se dit gars compétent et plutôt doué, souvent pas la moitié d'un con. mais probablement car c'en est la totalité. il a du mal à l'admettre mais c'est son ressenti sur la situation en train de se dérouler devant lui, plus ou moins hors de son contrôle. il contrôle ses propres faits et gestes, bien sûr, mais certainement pas la façon que la jeune fille en face de lui interprète tout ça.

et c'est là tout le nœud du problème, car ses actions sont visuellement bien plus inquiétantes que ses réelles intentions, même s'il hésite à les dévoiler entièrement.

il la voit, gênée, sans savoir exactement où se mettre, et qui parle d'une petite voix, tout ces choses qui ne font qu'empirer l'humeur du surveillant qui est persuadé qu'il n'a vraiment pas besoin de ça, à cette heure, à cet instant. ... elle le prend pour un putain de toxico, en fait, qui pique dans les affaires de l'autre infirmier à la con car il ne veut pas l'avouer ni à ses collègues ni à sa hiérarchie. ... il prie pour qu'elle ne soit jamais au courant de la boîte d'antalgiques logée bien au fond de la poche gauche de son pantalon. il est tenté de s'énerver, de grogner un coup, de...

* ... merde elle croit que je me drogue ?

... en même temps, elle est touchante, non, cette ptiote ? après tout, elle lui assure qu'elle ne compte pas le balancer. elle est un peu confuse, mais elle a comprit l'esprit... plus ou moins.

* heu... merci mais t'auras rien à protéger, je suis vraiment pas en train de piquer de la came.

comment dissiper le quiproquo, maintenant que le doute s'est installé et qu'elle semble convaincue de ce qu'elle vient d'annoncer avec autant d'assurance et en même temps tant d'inquiétude ? le surveillant reprend une bouffée de cigarette pour s'aider à réfléchir, toujours ralenti par la nuit blanche qu'il vient de passer et sérieusement déstabilisé. il pince le haut de son nez, les sourcils décidément froncés et l'air plutôt contrit. est-ce qu'il vaut mieux avouer ce qu'il vient faire ou la laisser croire ce qu'elle vient d'affirmer... ?

il vaut quand même mieux qu'elle ne raconte pas ce genre de choses à ses camarades. si un collègue apprend que ce genre de rumeurs courent sur lui...

* bon... pour être honnête je voulais récupérer des médicaments pour un élève que je surveille car j'ai peur qu'il les oublie. c'est tout. s'il te plait ne va pas raconter ces conneries à tes potes ou aux profs. il soupire, évidemment emmerdé par la situation dans laquelle il se trouve, même s'il l'a bien mérité. à ton tour. pourquoi t'es là ?

c'est gênant. non, vraiment, ce qui se passe est gênant. tout le monde est gêné : Bic, Peki, la table, les stylos laissés sur le bureau, les nuages dans le ciel qui observent la scène. mais ça n'empêche pas totalement le surveillant de vivre. il n'aime pas dire la vérité, même si ce n'est qu'une partie, car il a peur que d'autres questions suivent.

maintenant qu'il vit plus ou moins avec nuni, il se méfie. la moindre réponse mal calculée peut entraîner des heures et des heures d'interrogatoire, menées avec un sourire si innocent et un rire si attendrissant qu'il a presque mal lorsqu'il lui demande gentiment de fermer sa gueule car ça suffit, là.

mais cette fille, là en face de lui... elle a l'air de l'écouter, de ne pas poser trop de problèmes et surtout elle ne pose aucunes questions gênantes ou existentielles auxquelles il ne peut pas répondre, non. elle se contente d'avouer simplement pourquoi elle est là sans trop de chichi. rien que pour ça, elle monte dans son estime.

il l'aime bien, même.

c'est presque touchant, la façon qu'elle a de s'inquiéter sur ce qu'elle a le droit de faire ou pas alors que Bic juge l'ensemble du domaine comme chez lui par décret de ses chefs et de son propre égo et qu'il peut bien y faire ce qu'il veut comme il l'entend sans avoir à demander à des couillons en blouses blanches s'il a le droit ou pas de faire quelque chose. ... plus que le réel caractère de l'infirmier, c'est peut être qu'il a un problème avec n'importe quel personnel de santé, dans le fond. il écrase son mégot dans une tasse qui traîne sur le bureau, sort un stylo de sa poche et fouille pour sortir un morceau de papier un peu froissé, sur le recto des petits croquis et des gribouillis faits quand il devait faire semblant d'écouter un membre de l'équipe pédagogique et lui faisait croire qu'il prenait des notes.

il retourne la feuille, soupire et lève les yeux un instant vers la jeune fille, le stylo en suspens.

* je te fais ça, pas de souci, vas y récupère tes médocs le temps que je fasse ça.

c'est pas très gentil, ce qu'il écrit, mais qu'est-ce qu'il en a à faire ? il espère juste qu'elle n'arrivera pas à décrypter son écriture de cochon et qu'elle ne découvrira pas les mots d'amour qu'il laisse à ses collègues.



[salut gros tocard,

tu es pas là pour t'occuper des gamins
alors je le fais à ta place

et j'ai piqué des trucs pour moi mais je te dis pas quoi

- bisous. brimnes.]

finissant de signer la lettre d'insultes, Bic observe du coin de l'oeil la jeune fille qui se hâte de récupérer ce qu'elle veut dans les placards. ça doit être un traitement plutôt important, vu comme elle semble pressée de l'avaler. c'est indiscret, mais peut être qu'il ira jeter un œil dans les dossiers des élèves entreposés dans l'une des salles fermées du bâtiment ivoire... simple curiosité un peu malsaine, qu'il regrette rapidement en voyant le grand sourire qu'on lui offre en remerciement.

* heu, de rien.

il a à peine le temps de lui renvoyer sa politesse exubérante qu'elle est déjà partie pour aller en cours. pourtant, le sourire sur le visage du surveillant ne parvient pas à s'effacer aussi vite que la jeune fille a disparu, au contraire, il reste accroché à ses lèvres alors qu'il laisse la feuille un peu froissée en évidence sur le bureau.

la journée avait peut être mal commencée, la nuit l'ayant précédée du même calibre, mais cette courte interaction inattendue qu'il avait d'abord voulue éviter le laisse avec un sentiment un peu différent, une pointe de joie sûrement.

bon,
maintenant, plus qu'à aller surveiller cette bande de petits cons.