To Be Continued ; Albert

Il l’avait vu deux ou trois fois, sans doute quatre, ou plus. Il l’avait vu aussi aujourd’hui, perdu entre deux pots de fleurs. Holly déjà habitué à le voir entouré, acclamé par les foules – c’est ainsi qu’il l’avait enregistré dans sa vision. Oui, Albert personnage étrange du club et pourtant aimé. Holly, déjà s’y était intéressé. De loin sans doute cela ressemblait-il à une amourette, une jeune fille en fleur sous le charme de l’homme de sa vie, de près cela ne ressemblait seulement qu'à Holly. Et déjà ce dernier c’était arrêté. Pieds joints et cœur dans un boom boom devant vroom vroom. Esprit malade et pensée des plus risible : Holly voudrait être son ami.

Alors voilà, Albert est seul. Albert n’est pas suivi, Albert n’est pas accompagné. Le plan ? Il n’y en a pas. Holly se demande simplement s'il devrait l’aborder, ou non. Il n’a pas grand chose à dire, pas grand chose à faire. Partit ce matin tôt se balader, profiter de la nature qu’il déteste. Oui, Holly partit en mission : celle de réussir à se faire oublier là où il ne réussit qu’à ne pas oublier les plantes alentours. Peu importe, Albert est seul.

« Al- »

Holly prend sa petite voix et l’écrase de suite de sa propre peur. Il allait le trouver étrange. Il allait le trouver étrange et tout allait recommencer. Il panique un instant. Il tourne sur lui même un instant. Cela n’arrange rien. Holly panique. Etait-il sensé savoir son prénom ? Il prend son courage à deux pieds dans le plat :

« Que fais-tu là ? »

Smooth.
Pas du tout. Il était sans doute normal qu’ils se trouvent ici tout les deux. Après tout, ils étaient élèves, tout les deux, piégés ici, tout les deux. Le froid prend possession de son corps. Il tente encore de se rattraper :

« Pourquoi tu es seul ? »

Et ne réussit qu'à s'étaler sur le tapis rouge de la honte. Holly résiste à l’envie de s’enfuir. Pourquoi poser ce genre de question ? Pourquoi se ridiculiser ainsi ? Mais Albert est seul.
Et Holly aimerait être son ami.

Holly ne va pas lui dire qu’il est là pour lui. Holly n’oserait pas lui dire qu’il est là parce qu’il reconnaitrais sa silhouette entre mille et que s’il était une fille, il lui aurait déjà fait une confession digne d’un shojo. Holly ne savait pas vraiment ce qu’il admirait chez Albert : sans doute cette façon de laisser aller chaque mot sans les peser, sans doute. S’il savait. Holly est tout de même soulagé qu’il ne parle pas de son entrée en scène.

« On peut dire ça. »

Il n’avait rien contre suivre le flow d’Albert. Il n’avait rien contre suivre quelqu’un tout court : c’était aussi la meilleure manière de survivre. Holly se demandait simplement ce qu’il aurait pu rétorquer pour ne pas le perdre à peine gagné. Alors il s’approche, Holly. Il tente de briser sa timidité. Personne ne pourrait le voir chuter. Et quand bien même Albert réussirait à rendre tout cela naturel – ou bien était-ce simplement le podium sur lequel il était placé dans le cœur de l’autre qui rendait la chose ainsi.

« Je pensais qu’un pourrait faire un truc ensemble. »

Ce n’était pas vraiment comme ça qu’on se faisait des amis à leurs âges. Holly n’avait jamais lu les manuels. Holly improvisait et du pire qu’il le pouvait.

« Méditer cela me va, mais je n’ai jamais essayé. »

Holly était à peu près sûre que c’était une matière dans laquelle il ne risquait pas d’exceller – ce n’était pas la première, mais il arrivait toujours à s’en sortir. Holly se demandait pourtant s’il ne gênait pas Albert et sa communication avec les esprits (même les esprits lui parlaient, c’était quelque chose). Il ferait de son mieux.

« Si cela ne gêne pas. »

Comme si cela aurait pu être la fin du monde

Il s’assoit avec lui. Du moins, il s’assure d’abord de mettre sa veste entre lui et le sol. Holly n’avait contre elle, la nature, mais elle ne lui rendait pas : qui avait eu cette bonne idée d’inventer les insectes ? Albert médite pendant ce temps-là - si méditer s’apparente à réfléchir à haute voix tout du moins.

« Tu veux aller marcher ? »

Holly se demande s’il doit se relever de suite ou non. Sa veste est toujours étendue là.

« Détrôner le club nature ? »

Il ne sait pas vraiment qui ils sont, Holly. Il devrait savoir puisqu’on les voit passer de temps en temps, les gars du club nature. De rumeurs, c'était des gens vraiment sauvage, la sueur au froid et Holly ne comprend pas vraiment leurs activités. Il a déjà du mal avec son propre club alors pourquoi rajouter plus de verdure ? Il aurait du mieux choisir.

« On peut aussi se promener en méditant. »

Et déjà, son corps se relève. Il lui tend la main pour l’aider à se relever. Holly n’a pas vraiment visité les extérieurs : il a passé la plupart de son temps à se demander s’il n’y avait pas vraiment un moyen de retrouver son portable ou de quoi jouer à un jeu vidéo. Il n’avait rien trouvé. Sans doute les gens du club nature s’en sortaient mieux, même les plantes – qu’il n’avait pas touché – lui riaient au nez. Il aurait sans doute dû écouter sa grand-mère lors de ses visites d’été : sortir ne lui aurait pas fait de mal. Il se serait laissé apprivoisé aussi.

Non, il ne trouvait pas ça très cool d’être dans le club jardinage. On l’avait sans doute mis là parce que ça lui allait mieux que de ne rien faire et parce qu’il fallait le « canaliser – autrement dit : le faire sortir, le faire oublier ses jeux vidéo. Il s’y connaissait un peu en plante, Holly : les vertes redonnaient de la vie si on en faisait de la poudre. Il savait aussi différencier les différentes fleurs d’Animal Crossing et faire des croisements. Ouai, il s’y connaissait un peu en plantes virtuelles, Holly. Mais le réel, c’était autre chose.

« Heu oui, c’est juste que bon… »

Il ne sait pas où se mettre face à l’innocence d’Albert : c’est vrai qu’il a sans doute raison.

« Enfin, tu vois, je n'aime pas trop les bestioles qui font le club nature dans le club jardinage tu vois ? »

Holly aurait sans doute fini par fondre, dans tout les sens du terme : partager son espace vital avec Albert faisait revenir son innocence au galop. Et encore il finit par lui reprendre la main pour l’emmener un peu plus loin.

« C’est pas grave, ça doit être étrange aussi que je sois là alors que les trucs à plusieurs pattes je me demande encore pourquoi ça existe. »

C’est vrai que la nature, c’est un peu comme si les monstres des RPG étaient là, mais qu’on ne pouvait pas les battre : non, ce sont eux qui nous battaient en s’infiltrant dans nos maisons. Mais Holly se demande s’il pourrait vraiment parler à Albert de cette métaphore-là. Après tout aussi frêle qu’il n’y paraît, Albert ressemble tout de même à quelqu’un qui sait ce qu’il fait – Holly oublie sans doute les fois ou Albert était passé devant les portes de la mort, mais on avait réussit à l’empêcher de lui faire manger n’importe quelles plantes lui passant sous le nez.

« Mais tu t’entends bien avec tout le monde, toi donc je suppose que même si tu étais comme moi ça ne poserait pas de soucis. »

Il le savait que ça existait : les fous. Oui, ceux-là qui mangeaient les insectes comme si cela était nécessaire et sain pour le corps. Cela ne l’était pas pour Holly et quand bien même il se trompait, il n’aurait voulu y toucher. Alors face à la proposition, le premier devint blanc – il l’était déjà, à force de préférer ne pas voir le soleil non plus sauf lorsque le club exigeait sa présence (c’est-à-dire la majorité du temps.) et il se couvrait du mieux qu’il pouvait pour ne pas tenter le soleil de lui mettre une droite là où ça faisait mal. Il y eut plusieurs stades, tous défilant le plus rapidement dans le temps d’Holly : le déni (si je ferme les yeux rien tout cela n’aurait eu lieu), un brin de colère (pas trop, Holly avait du mal à s’irriter), la tristesse (diable un jour le laisserait-on hors de ses monstres ?) puis enfin le choc (il allait vraiment lui mettre le nez dans une fourmilière ?) mais ne vinrent jamais les étapes suivantes aussi résignation ne réussit jamais à montrer le bout de son nez. À la place, Holly finit par tendre la main pour tenter de retenir Albert, mais n’importe quel pan (t-shirt, pantalon, tout ce qui tombait en premiers sous sa main) de tissu.

«  Heu Albert, je t’assure que tu n’as pas besoin de me le prouver ! »

Sans doute, vont-ils se ramasser dans la course : Holly n’est pas vraiment bon en endurance et encore moins lorsqu’il faut se trainer pour tenter de retenir son adversaire. Sans doute, un arbitre l’aurait déclaré fautif, mais personne n’était là sauf eux et l’arbitre présent ne pouvait pas avoir raison : il n’était pas là.

« En tout cas moi, je ne te prouverais rien ! Hors de questions que je touche à ces bêtes du diable !! »

Forcément pour imaginer que plusieurs pattes ça serait cool, il ne pouvait s’agir là que d’un plan démoniaque. En tout cas, il a la voix qui monte dans les aigus Holly : la chorale n’a qu’à bien se tenir.

«  Tu veux pas me prouver autre chose, Albert ? Comme genre à quel point tu sais compter vite ou un truc du genre ? »

Un truc pas dangereux, ne nécessitant pas de mettre tes mains par terre – même s’ils allaient y finir si l’autre ne ralentissant pas ou ne calmait pas ses pulsions -… Bref un truc que Satan n’avait pas designé en se disant que ça ferait frémir Starck (et on ne parlait pas ici d’Iron Man.) ou encore les pauvres mortels.

«  Quoi ? »

Il revient dans son centre de gravité, aidé par deux mains sur ses épaules : Holly n’a toujours pas quitté son orbite, ouf. ? N’empêche qu’il a du mal à se demander comment Albert survit à la vie. Est-ce qu’au moins il a des bonnes notes dans son cursus ?

«  Mais comment tu fais pour calculer l’homothétie de tes travaux ou encore le cadre de proportion… Comment ?? »

Enfin, peu importe, s’il a été choisi pour venir là, c’est qu’il est sans doute meilleur que la moyenne, qu’il a un truc. Et en le regardant comme ça Holly se dit que :

«  Ou alors c’est le théâtre qui t’attire… »

Oui, il se dit qu’il doit être vraiment théâtral, il l’est dans la vie de tous les jours d’une certaine manière. Et vu qu’il ne saurait pas calculer le rapport de proportion (il aurait eu du mal à rester en vie en dessin d’objet.) il était convaincu qu’il devait au moins être bon ailleurs. Ou alors, il était de ceux qu’Holly n’avait jamais compris : carré blanc sur fond blanc ou encore les deux mains dans le cambouis. En tout cas, le poteau Holly continu :

«  En tout cas, jamais je toucherais à la faune dangereuse du jardin, non merci. »

Il montre du doigt la jungle, la nature sauvage de leur coin de club. Il ne sait pas vraiment ce qu’il fiche là, mais on lui a dit que ça lui ferait du bien et que c’était nécessaire à sa « maturité », il la cherche encore et comme il a du mal à retourner la terre (dégoutant) il n’est peut-être pas prêt de la trouver. En tout cas, le petit Holly tremblotant se dit qu’il faudrait au moins continuer la conversation :

«  Tu as rejoint le club de ton plein grès ? »

Parce qu’apparemment, ils sont tous liés par les adultes les forçant aux travaux à perpétuité.

Il se demande qui Albert pourrait détester : là de suite, il a sans doute du mal à réaliser que l’autre pourrait ne pas aimer quelqu’un, tout simplement. Mais étrangement, il ne pose pas la question : qui ou quoi, peu importe, ça n’avancera pas l’affaire. D’ailleurs, ils n’avancent plus, perdus dans les bosquets du jardin, sombre affaire d’Alice. Oui, qu’est-ce qu’il fait là Holly ? Lui-même ne sait pas vraiment comme expliquer la chose, il essaye :

«  Apparemment, c’était mieux pour moi. »

Apparemment, mais Holly n’en était toujours pas convaincu : il avait survécu jusque-là en ne mettant un pied dehors que si c’était nécessaire. Il n’était pas mort, un peu renfermé, mais la chose n’était pas dû au vent soufflant ou à l’oxygène qu’on trouvait tout au même nombre à l’intérieur : le problème venant de ceux la respirant. Il n’ajouta pas le détail, à la place, un chaste sourire – comme si c’était interdit.

«  Je sais pas pour les membres, je t’aime bien toi, je crois. »

Mais il y avait toujours le problème des gros bras, des gens à la gueule trop gueule pour qu’ils n’en soient pas des loups et Holly ne survivrait pas à Gévaudan. Mais comment avouer cela à Albert, ayant de bon rapports avec tout le monde, comment lui dire : non, vraiment, notre responsable me fait naître des frissons à chaque fois, me fait jouer la comédie comme si j’étais une star de cinéma, le glamour en moins.

«  Enfin, dehors, c’est toujours mieux que dans mon groupe d’étude. »

Satan à la porte, Satan mettant les notes et le froid entre les autres et lui. Pourquoi n’arrivait-il pas à s’y habituer ?

«  Tu veux qu’on rentre Albert ? »

Bientôt, le temps changerait. Et les yeux d’Holly sur les nuages indiquaient l’idée.